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Méthodologie et insoutenabilité du projet : les raisons du refus de la 4e année par les étudiants et jeunes médecins

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Publié le 04/10/2022
En marge de leur colloque sur l'accès aux soins, une partie des structures des étudiants et jeunes médecins est revenue sur les raisons qui les poussent à refuser l'ajout d'une 4e année au DES de médecine générale.

Crédit photo : ALB

Depuis l’annonce dans le PLFSS 2023 de l’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale, la nouvelle n’en finit pas de faire réagir. Sur le principe même, mais surtout sur la forme qu’elle pourrait prendre.

Lundi 3 octobre après-midi, alors que les formations d’étudiants et jeunes médecins, l’Anemf, l’Isnar-IMG et ReAGJIR organisaient un colloque sur l’accès aux soins, il a donc forcément été question du sujet. L’occasion pour eux de rappeler leur opposition à ce projet.

Une opposition qui repose déjà sur une affaire de méthode. « Nous sommes opposés à l’article 23 parce que c’est une méthodologie tout à fait exécrable de mettre la charrue avant les bœufs et de dire : on fait une mission, on ne connaît pas les conclusions, on ne sait pas comment on va les respecter, mais quoi qu’il en soit, à partir de 2023 c’est en route », souligne Victor Vandenberghe, vice-président de l’Isnar-IMG.

Et comme chat échaudé craint l’eau froide, les étudiants redoutent aussi de voir se répéter les erreurs des réformes du 1er et 2e cycles. « Nous avons vu ce que ça a donné avec la R1C et la R2C, à un an du nouveau concours il manque encore des textes. Nous allons vers un autre fiasco si tout n’est pas cadré avant de dire : ok pour cette rentrée-là », ajoute Sarah Daubresse, vice-présidente chargée des études médicales à l’Anemf. 

Pas assez de MSU

Au-delà de la méthode, la perspective d’une mise en place pour les internes rentrant en 2023 paraît irréalisable dans des conditions souhaitables pour les internes. Même si les contours de cette quatrième année restent encore flous, il paraît évident qu’elle nécessitera une augmentation conséquente du nombre de maîtres de stage des universités (MSU). D’après les derniers chiffres du ministère ils étaient 12 941 en 2021.

« Sur les trois ans que nous avons aujourd’hui, nous réalisons une année en ambulatoire alors que nos stages en santé de la femme et de l’enfant devraient aussi se passer en ambulatoire. C’est rarement le cas par manque de moyens pédagogiques. Cela ne paraît donc pas soutenable d’imaginer avoir pour la rentrée 2023 assez de MSU pour instaurer une 4e année uniquement en ambulatoire », analyse Victor Vandenberghe.

Combien de MSU supplémentaires sont-ils nécessaires : 2 000, 3 000, 4 000 ? Une instruction de la DGOS publiée en mai dernier, donc avant l’officialisation de la 4e année, visait une augmentation de 7,7 % jusqu’en 2024 pour atteindre près de 14 000 MSU sur le territoire. 

Un encadrement encore différent

Quoi qu’il en soit, avec ou sans 4e année, l’Isnar-IMG défend la position selon laquelle, pour un bon encadrement, un MSU ne peut pas avoir plus de deux internes, tous niveaux confondus, sous sa supervision. Et si on ajoute la volonté de développer les stages en ambulatoire pour les externes également, le recrutement des MSU va effectivement constituer un enjeu clé de la faisabilité de cette année supplémentaire. « On peut comprendre l’absurdité de l’obligation d’une 4A de formation en zone sous denses, sans formateur », note Victor Vandenberghe. 

D’autant plus qu’il va falloir former les MSU à un encadrement encore différent. Elise Fraih, présidente de ReAGJIR et elle-même MSU souligne les questions que soulève le projet à partir de son expérience personnelle. « Ce n’est pas la même chose d’encadrer des étudiants de différents niveaux. En stage de niveau 1 l’étudiant est avec vous, pour le Saspas vous n’êtes pas là et vous débriefez des consultations auxquelles vous n'avez pas participé pour des patients que vous connaissez. Il s’agit donc de comprendre ce qui s’est joué. Et là, imaginez que vous allez débriefer, peut-être une fois par semaine, un Dr Junior qui consulte une patientèle que peut-être vous ne connaissez pas ? »

Autant de niveaux d’encadrement qui demandent de la formation. Formation qu’il est déjà difficile de mener à bien aujourd’hui comme le relate le Dr Simon Frémaux, généraliste en centre de santé à Arcueil et MSU, « en région parisienne, nous sommes en telle tension de recrutement de MSU que les trois jours de formation nous en sommes à ne même pas les faire avant de recruter », explique-t-il, ajoutant que se pose aussi « la question des murs » pour accueillir les internes. 

Grève à partir du 14 octobre

Inquiète des conditions de mise en place de cette 4e année, Elise Fraih pousse un cri du cœur pour soutenir les futurs généralistes.

« On nous bassine à la pédagogie, on nous dessine des marguerites avec toutes ces compétences, on met de la bienveillance à toutes les sauces. Mais la vraie bienveillance qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ça ne serait pas déjà de consolider ce qui existe déjà, de partir de toute cette bonne volonté des chefs de clinique, des MSU ? Je le dis haut et fort, ReAGJIR est inquiet et les MSU et chefs de cliniques qui encadrent les internes s’opposent eux aussi à cette méthodologie exécrable. Nous ne voulons pas dans ces conditions d’une quatrième année qui envoie nos étudiants dans l’inconnu. Consolidons d’abord ce qui existe et nous nous intéresserons ensuite à faire mieux, parce que cela suffit de bâcler sur le dos des jeunes. »

Le syndicat des remplaçants et jeunes médecins se joindra donc à l’appel à la grève nationale des étudiants de 2e et 3e cycle à partir du 14 octobre, lancé par les deux syndicats d’internes l’Isnar-IMG et l’Isni. 


Source : lequotidiendumedecin.fr