LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous décrire votre exercice actuel ?
DR CHRISTÈLE VASSEUR : Je suis chirurgien plasticien, installée seule en cabinet depuis vingt-deux ans. J’ai dix heures de bloc par semaine, et deux jours et demi de consultation. Cela me permet d’être en week-end le jeudi midi, ce qui est appréciable. Je cherche aujourd'hui à m’associer afin de me diriger tranquillement vers la fin de mon activité.
DR JOEY ROUKOZ : Je suis pour ma part docteur junior à Nancy, dans le service de chirurgie plastique et maxillofaciale. Mon activité est celle d’un jeune chef de clinique : j’ai mon programme opératoire, je fais des astreintes seniors. Et comme c’est un service où l’on fait aussi de la chirurgie maxillofaciale, j’ai l’occasion de faire un peu de traumatologie maxillofaciale, et un peu de chirurgie de la face.
Comment avez-vous choisi la médecine en général, et la chirurgie plastique en particulier ?
C. V. : J’ai toujours voulu être médecin, ma mère voulait l’être mais n’a pas pu car elle n’avait pas assez d’argent, et j’ai peut-être reproduit son désir. J’ai des photos de moi à 5 ans avec un stéthoscope, je ne me suis pas posé trop de questions, et je ne sais pas du tout ce que j’aurais fait si j’avais raté la P1. L’un de mes souvenirs les plus marquants remonte à ma deuxième année, en ORL. J’étais à Paris, c’était une opération pour un cancer des sinus… Je voulais absolument voir, j’ai fait un petit malaise, puis je suis revenue en salle. Après cela, je pouvais voir tout et n’importe quoi, et je savais que je voulais aller au bloc. Je voulais être neurochirurgien et je suis partie à Lille pour mon internat. Mais le chef ne voulait pas de filles ! Je me suis donc orientée vers la chirurgie plastique, qui était mon deuxième choix. Ce n’est pas la même vie, mais en chirurgie plastique, on a un exercice extrêmement diversifié, cela va de la pointe des cheveux jusqu’aux orteils !
J. R. : J’ai également toujours voulu faire médecine, mais pour ma part je viens d’une famille de médecins. Mon père est médecin, mon oncle et mon grand-père aussi, et j’ai toujours eu envie d’aller dans cette voie. Comme pour Christèle, si je n’avais pas fait médecine, je ne sais absolument pas ce que j’aurais pu faire d’autre. J’ai fait mes études à Nice, et j’ai assez rapidement su que je voulais aller vers la chirurgie plastique. Je trouvais la chirurgie réparatrice intéressante, j’étais attiré par la polyvalence de la discipline, qui s’occupe du corps dans son ensemble. Et dès que j’ai pu passer dans le stage de chirurgie plastique à Nice, j’ai su que je voulais avoir cela et rien d’autre.
La chirurgie plastique est une spécialité très compétitive, avez-vous dû travailler beaucoup pour l’obtenir ?
J. R. : Effectivement, il y a beaucoup de candidats et peu de postes, ceux-ci partent donc très vite. J’ai beaucoup travaillé, je me suis donné les moyens d’y arriver. C’est un investissement en temps de travail très important : en résumé, je n’ai pas arrêté de travailler pendant tout l’externat. À l’arrivée, avec 27 postes disponibles et un rang de classement de 1 400, les grosses villes de chirurgie plastique étaient toutes parties, mais il me restait encore deux ou trois villes dans l’Est. C’est comme cela que je suis arrivé à Nancy.
C. V. : Lorsque j’étais interne, c’était très différent. Il fallait faire le DES de chirurgie générale, et avoir fait au moins un stage en chirurgie plastique dans les cinq premiers stages. Évidemment, si vous étiez mal classé, d’autres choisissaient avant vous, mais la compétition était moins prégnante qu’aujourd'hui. Dans mon cas, il a fallu tout de même se battre, d’autant plus que j’étais partie sur la neurochirurgie, ce qui m’avait fait perdre un peu de temps. À cette époque, il fallait aussi que le patron vous accepte, ce qui n’était pas donné !
On pense souvent que les médecins qui choisissent la chirurgie plastique le font pour l’argent. Est-ce un stéréotype ?
C. V. : Personnellement, cela n’a jamais été une motivation. J’aime beaucoup l’ambiance de l’hôpital, je suis réserviste, je fais deux jours de garde quasi bénévolement au service des grands brûlés à Toulon, j’ai des patients CMU, je fais de la reconstruction après cancer… Après, si certains chirurgiens qui ne font que des liftings à 15 000 euros trouvent des patients, c’est une autre histoire. Mais le problème de fond, c’est peut-être que les autres chirurgiens ne sont pas assez rémunérés : on a trop souvent en France l’impression que la médecine est gratuite.
J. R. : La chirurgie plastique est une spécialité qui a le vent en poupe et qui offre des perspectives : on a toujours la possibilité d’avoir son activité d’esthétique dans le privé. Mais c’est aussi un milieu concurrentiel, un peu commercial, il faut savoir se vendre. L’activité à l’hôpital et l’activité dans le privé sont complémentaires : au CHU, on est amenés à faire des lambeaux, de la reconstruction, des grands brûlés… Pour ma part, étant originaire de Nice, j’aimerais rentrer chez moi et m’installer dans le privé, et mon idéal serait de garder un pied à l’hôpital pour conserver la partie la plus noble et la plus stimulante de la spécialité.
On a parfois du mal à se rendre compte de la diversité de votre exercice, pouvez-vous nous en donner une idée ?
C. V. : C’est une spécialité où on peut avoir des gardes, j’ai par exemple fait beaucoup de grands brûlés quand j’étais chef de clinique. Même si on n’a pas d’urgence vitale, on a une spécialité très diverse, qui vous ouvre beaucoup de portes. On a une partie technologique avec le laser si on le souhaite, on peut faire des lambeaux de couverture en urgence, des missions humanitaires, ou des liftings et des injections toute la journée si on en a envie. À titre personnel, je suis très contente de retrouver l’hôpital lors de mes gardes à Toulon : je reprends les bases du métier.
J. R. : Je confirme que c’est une spécialité particulièrement polyvalente, ça va de la tête aux pieds, avec à Nancy en plus la chirurgie maxillofaciale. À l’hôpital, nous sommes particulièrement en contact avec les chirurgiens orthopédistes, les chirurgiens thoraciques, les urologues… Nous apportons notre pierre à l’édifice et cela fait vivre notre spécialité. Dans le privé, il y a une autre forme de polyvalence, avec plus de matériel, du laser, des injections, etc.
Comment imaginez-vous l’évolution de la spécialité dans les années à venir ? La technologie y jouera-t-elle un rôle encore plus important ?
C. V. : Notre pratique n’est pas si technologique que ça, nous faisons 95 % des interventions sans machine, nous ne sommes pas comme les orthopédistes ! Au cabinet, j’ai effectivement un peu investi, notamment pour la cryothérapie, mais je n’ai pas de laser, par exemple. C’est du matériel qui peut être très cher, même en leasing. De plus, il y a une concurrence avec le non médical : des esthéticiennes cassent les prix alors qu’elles n’ont pas les mêmes machines que nous, et cela dévalorise notre activité.
J. R. : Il y aura également de plus en plus de concurrence pour l’accès aux cliniques. J’ai beaucoup d’amis qui ont des difficultés pour avoir des vacations. Nos cotations sont moins rentables, par exemple, que celles des ophtalmologues, et l’installation se fait de plus en plus difficilement. Il y a donc une évolution de ce point de vue, le contexte est moins favorable à la chirurgie plastique que par le passé.
Comment appréhendez-vous le côté entrepreneurial propre à l’exercice de la chirurgie plastique en libéral ?
C. V. : C’est comme dans toutes les professions libérales, nous sommes des chefs d’entreprise mais nous ne sommes pas du tout formés à cela : nous ne savons pas nous faire payer. Quand je me suis installée, je ne savais pas remplir une feuille de soins ! Aujourd'hui, j’ai des salariés, je paie l’Urssaf, comme n’importe quel entrepreneur.
J. R. : Il est vrai qu’à l’hôpital, toute la gestion est prise en charge à l’extérieur. Les anciennes générations de chirurgiens ne sont pas du tout formées à ces aspects. Mais cela commence à changer, les jeunes plasticiens organisent par exemple chaque année un congrès pour appréhender la gestion d’une entreprise libérale. J’y suis allé l’année dernière, et c’est vrai que ce sont des choses qu’on ne peut pas deviner si on ne vous les explique pas !
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui envisagerait de choisir la chirurgie plastique ?
C. V. : Le premier conseil, c’est de travailler car il faut être bien classé. Ensuite, il faut se rappeler que la chirurgie est un métier difficile, surtout pour les filles car l’ambiance reste un peu machiste. Il faut donc veiller à ne pas se laisser marcher sur les pieds.
J. R. : Il faut se souvenir que l’internat de chirurgie plastique reste un internat de chirurgie, et qu’il ne faut pas compter ses heures : je suis passé en viscéral, en vasculaire, et il faut tenir le rythme. C’est un choix à faire, mais nous sommes des passionnés. Personnellement, je ne l’ai jamais regretté.
Christèle Vasseur
1986 : Première année de médecine à Paris
1991 : Internat de chirurgie à Lille
1997 : Thèse de chirurgie plastique
1999 : Clinicat à Lyon
2003 : Installation à Avignon
Joey Roukoz
2013 : Première année de médecine à Nice
2019 : Internat de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique à Nancy
2022 : Première intervention chirurgicale en autonomie
2023 : Thèse de docteur en médecine
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