Depuis quelques jours, les internes sont en grève. Le point d’orgue du mouvement a eu lieu ce mardi 17 décembre, de nouveaux syndicats ayant déposé un préavis. Il m’apparaît utile d’énumérer les raisons de cette colère, en vous parlant de mon expérience personnelle. Ce qui énerve les internes ce sont :
1. Les fameuses gardes où on ne dort pas. Certains (je précise bien certains !) seniors restent collés à leur PC, avec l’air de manager une équipe de fast-food, pendant que leurs internes engorgent le flux ininterrompu de patients. Puis vont se coucher à minuit en disant : « Vous m’appelez s’il y a un souci. » Pendant ces gardes, le téléphone ne cesse de sonner avec les appels des infirmiers des étages, souvent débordés et seuls pour un service d’une vingtaine de lits. Pendant ces gardes, on laisse son co-interne se dépatouiller avec les entrées des urgences pendant qu’on va essayer d’aller gérer les soucis dans trois services à différents étages. Ce sont des sessions sans repos, à essayer d’être à la fois le médecin des urgences et celui des services. Payées 100 euros en semaine et 200 le dimanche, ces gardes s’enchaînent semestre après semestre.
2. Les stages avec des semaines de 50 h minimum, allant parfois jusqu’à 80 h. ça en agace certains que je mentionne ces horaires. Je ne suis pourtant pas dans la caricature, il ne s’agit pas d’une légende, faire deux gardes la même semaine est plus fréquent que certains ne le croient. Il suffit de deux gardes dans la semaine, une le lundi et l’autre le dimanche par exemple, pour être déjà aux 48 h de travail hebdomadaires légales. Cela laisse de la place pour voir grimper très vite le compteur horaire. Surtout quand on est dans un service ou l’on doit assurer les astreintes du samedi matin, non payées bien sûr, censées se terminer vers 13 h mais pouvant se prolonger jusqu’au cœur de l’après-midi.
3. La fiche de paie qui tourne autour de 1600-1800 euros par mois sans les gardes, à bac+9, avec des difficultés à poser ses deux semaines de congés pendant le semestre.
4. Les après-midis postés seuls dans un service pendant que les seniors doivent assurer leurs fonctions en consultation. Des après-midis où l’on est seul médecin dans un service où l’on doit gérer les entrées, les sorties, les patients présents, les demandes des infirmiers, les demandes des familles.
5. La formation parfois entravée. Que l’on demande à participer à un congrès ou à partir un peu plus tôt le vendredi soir pour suivre un DU, on se voit irrémédiablement répondre : « Hum, ça risque d’être compliqué. »
6. Les remplacements, sources de revenus pour beaucoup d’internes, en passe d’être autorisés plus tardivement avec les réformes à venir (après avoir passé le SASPAS, en médecine générale).
7. Les durées d’internat qui pourraient être prolongées (de 3 à 4 ans en médecine générale).
Bref, je pourrais continuer mais j’arrive en fin de page. Ces raisons suffisent de toute façon à comprendre pourquoi les internes sont nombreux à faire grève. Sur ce, bonnes fêtes de fin d’année à tous !
Aviscène, en 3e année de DES à Lille, s’est fait connaître sur la Toile grâce à ses vidéos sur Youtube dans lesquelles il dépeint avec humour son quotidien d’étudiant.
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