La semaine dernière, les députés ont débattu de plusieurs amendements au projet de loi de santé suggérant d'obliger les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux. L'un d'eux évoquait une obligation d'exercer dans une zone sous-dotée pendant trois ans, avec une amende de 1 000 euros par mois passé hors de ces déserts !
Rien de surprenant. La coercition à l'installation revient dans chaque projet de loi santé, quel que soit le parti politique. Selon un récent sondage, huit Français sur dix sont pour la fin de la liberté d'installation des médecins. Quel parti ne saisirait pas l'occasion de gagner quelques voix ? Cependant, cette fois-ci, en découvrant la nouvelle au retour de l’hôpital, j'ai eu un électrochoc en lisant que pour certains, la « liberté d’installation constitue une forme d’ingratitude corporatiste envers la collectivité ». Voilà comment sont perçus les futurs médecins, comme des ingrats ! Si des jeunes médecins trentenaires refusent de s’installer dans certains territoires, c'est avant tout parce qu'avant d’être des déserts médicaux, ce sont juste des déserts.
Difficile quand on est interne de se laisser qualifier d’ingrat quand on fait des semaines de 80 heures à l’hôpital et des gardes de 24 heures payées une centaine d’euros, le tout pendant trois à six ans selon les spécialités. Et ce, sans parler des années précédentes où l’externe joue le rôle de secrétaire, brancardier, aide opératoire… autant de travaux gratuits sur lesquels l’État réalise des économies monstrueuses.
Et ce n’est pas fini ! Je me suis étranglé à la lecture d’un autre argumentaire : « La liberté d’installation totale dont jouissent les professionnels de santé exerçant en ville les mène naturellement à privilégier leur confort de vie présumé sur leur mission de service public. » C’est tout de même incroyable, on dirait presque une farce tellement c’est gros ! Le fameux service public dont parlent ces gens a déjà été assuré pendant des années par tous les internes et chefs de clinique qui font tourner les hôpitaux français, parfois à 200 km de la plus grosse ville de la région.
On ne devient pas médecin en faisant un CAP. On ne finit pas son cursus à 21 ans. Est-il choquant qu’un médecin enfin thésé de 27 ou 28 ans souhaite s’installer dans une ville où il pourra trouver un hôpital à proximité, une maternité, une gare, une école ? C’est la décision de supprimer tous ces services publics qui a transformé certains territoires en déserts, et donc inéluctablement en déserts médicaux. Aujourd’hui, il est facile de désigner d'autres responsables.
Voir la vidéo d'Aviscène sur le sujet
Aviscène, en 2e année de DES à Lille, s’est fait connaître sur la Toile grâce à ses vidéos sur YouTube où il dépeint avec humour son quotidien d’étudiant.
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