La mélatonine est la gardienne du sommeil. « La mélatonine est un synchroniseur endogène du système circadien », affirme le Dr Maria- Antonia Quera-Salva. Cette hormone du rythme veille-sommeil est dérivée du tryptophane et est directement délivrée dans le sang à partir de la glande pinéale. Elle est sécrétée pendant la phase d’obscurité, environ deux heures avant l’endormissement, avec un maximum de concentration en milieu de nuit. La lumière inhibe la sécrétion de la mélatonine, ce qui explique pourquoi les écrans sont nocifs avant l’endormissement. Elle est en relation avec les noyaux suprachiasmatiques, « chefs d’orchestre des rythmes circadiens », dans une boucle qui fait intervenir la voie noradrénergique. « Il est important de savoir qu’un bêtabloquant, le soir, empêche la sécrétion de mélatonine », mentionne la spécialiste.
Resynchroniser l’horloge biologique
La sécrétion de mélatonine peut diminuer avec l’âge, un phénomène qui a tendance à favoriser les insomnies, les avances de phase (sommeil trop précoce) et les réveils multiples. Il devient alors nécessaire de resynchroniser l’horloge biologique. Les benzodiazépines ne sont pas adaptées car l’effet hypnotique s’épuise et il s’y associe un risque de dépendance, des troubles de la mémoire, voire des apnées du sommeil. La mélatonine est une option intéressante car proche de la physiologie. Reste que les compléments alimentaires à base de mélatonine proposés en vente libre posent problème car, selon une étude, 71 % sont non conformes à leurs spécificités affichées et 26 % contiennent de la sérotonine ; « On ne sait pas trop ce qu’il y a dedans ! », résume la spécialiste.
La Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) précise qu’il n’y a pas d’indication de la MLI dans l’insomnie. La MLI a des indications bien précises : elle permet de réguler le sommeil dans le cas du décalage horaire et chez les non-voyants qui n’ont pas l’alternance lumière/obscurité pour se synchroniser.
Éviter une clairance rapide de la mélatonine grâce à une couverture prolongée
Dans l’insomnie, maintenir des concentrations physiologiques efficaces de mélatonine tout au long de la nuit requiert soit des doses élevées de mélatonine immédiate, soit une préparation à libération prolongée. Il est possible d’utiliser Circadin®, la seule MLP avec une AMM dans le traitement de l’insomnie chez les patients de plus de 55 ans (sur ordonnance, non remboursé). « En cas d’insomnie de la personne âgée, la MLP simule la sécrétion interne de mélatonine », explique la spécialise du sommeil. Selon les recommandations (Grade A), la MLP à la dose de 2 mg, 1 à 2 heures avant le coucher pendant 3 mois, diminue subjectivement et objectivement la latence de l’endormissement, améliore la qualité du sommeil, la vigilance matinale et la qualité de vie, sans effet secondaire grave et sans symptômes de sevrage lorsque la mélatonine est arrêtée. Le profil de tolérance est rassurant ; les principaux effets indésirables sont les céphalées et la somnolence le matin.
Les patients doivent être informés que l’effet sur le sommeil demande un certain temps pour s’installer. « Je leur dis qu’il faut être patient, elle va régler l’horloge perturbée depuis longtemps », précise le Dr Quera-Salva. L’effet maximal est obtenu à 6 mois et la vigilance diurne s’améliore dès 3 à 6 semaines de traitement. Il faut aussi tenir compte de l’âge : « Plus le patient est âgé, plus l’effet est rapide », note la spécialiste. Les interactions médicamenteuses potentielles sont à prendre en compte avec les anticoagulants (surveillance de l’INR avec les antivitamines K), la fluvoxamine, la cimétidine, la carbamazépine, la rifampicine et le tabac.
Sources
• Claustrat B, Brun J, Geoffriau M, Chazot G. Melatonin: from the hormone to the drug? Restor Neurol Neurosci. 1998;12(2-3):151-7.
• Waldhauser F, Weiszenbacher G, Tatzer E et al. Alterations in nocturnal serum melatonin levels in humans with growth and agin. J Clin Endocrinol Metab. 1988;66(3):648-52.
• Léger D, Laudon M, Zisapel N. Nocturnal 6-sulfatoxymelatonin excretion in insomnia and its relation to the response to melatonin replacement therapy. Am J Med. 2004;116(2):91-5.
• Arendt J, Bojkowski C, Franey C, Wright J, Marks V. Immunoassay of 6-hydroxymelatonin sulfate in human plasma and urine: abolition of the urinary 24-hour rhythm with atenolol. J Clin Endocrinol Metab. 1985;60(6):1166-73.
• Geoffroy PA, Micoulaud Franchi JA, Lopez R, Schroder CM, membres du consensus Mélatonine SFRMS. The use of melatonin in adult psychiatric disorders: Expert recommendations by the French institute of medical research on sleep (SFRMS). L’Encéphale. 2019;45(5):413-23.
• Zeitzer JM, Daniels JE, Duffy JF et al. Do plasma melatonin concentrations decline with age? Am J Med. 1999;107(5):432-6.
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