Candidatures pléthoriques, ambitions déçues ?

Là où est le vrai rapport de forces

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Publié le 09/10/2020
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On a beaucoup insisté sur la suite d'échecs de la République en marche aux municipales, aux sénatoriales, probablement aux régionales, sur les divisions du mouvement, où les défections se multiplient et, en même temps sur la triomphante percée des Verts, sur la résistance de la droite et la recherche d'unité de la gauche. Comme si la REM était déjà disqualifiée et que l'ascension du Rassemblement national n'était pas irrésistible.
Macron aux Mureaux le 2 octobre

Macron aux Mureaux le 2 octobre
Crédit photo : AFP

Un sondage Ifop-Fiducial pour le « Journal du Dimanche » et Sud Radio indiquait dimanche dernier que, au premier tour de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen et Emmanuel Macron étaient les seuls à franchir la barre des 24 % des suffrages. Avec un avantage à Mme Le Pen qui, selon les candidatures des autres partis, parviendrait à 27 %, soit un point de plus que le président en exercice. Aucun des autres candidats cités ne dépasserait les 16 %. Jean-Luc Mélenchon, dans le cas d'une candidature unique de la gauche (Anne Hidalgo, 13, Yannick Jadot 13), obtiendrait 15 %.

Nombre de personnalités politiques, surtout celles qui ont pris de bonne heure l'engagement de concourir, se présenteront. Xavier Bertrand obtiendrait 16 %, François Baroin 14, Bruno Retailleau 8 et Rachida Dati 8. À gauche, Anne Hidalgo rassemblerait 9 % des voix, François Hollande 7, Ségolène Royal 5, M. Jadot 6. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres. Bien entendu, le sondage est passé inaperçu sous le prétexte qu'on ne fait pas un telle enquête à 18 mois des élections. Tant d'événements risquent de se produire qui changeraient la donne du tout au tout ! Mais enfin, si l'élection avait lieu aujourd'hui, c'est ce résultat qu'elle produirait.

Cela mérite d'être su quand l'analyse conventionnelle ne donne guère de chances au président actuel et quand on se souvient du bruit qui a été fait autour de candidatures encore un peu vertes qui auront tout le temps de mûrir. Ah, Hidalgo ! s'est-on exclamé. Ah, Bertrand ! Ah, Mélenchon, Jadot ! La vérité est qu'ils doivent doubler ou tripler leur score pour passer le cap du premier tour. Certes, ils ont le temps de nous impressionner. Néanmoins la stratégie de Macron n'est pas mauvaise : il laisse la REM fondre comme neige au soleil, mais reste quant à lui le candidat de la Maison commune : tous ceux qui croient au travail, aux institutions et préfèrent construire que détruire. 

Pas le moindre espoir de rassemblement

Sur le temps qui nous sépare de la grande explication nationale, il faut tout dire. Qu'il peut se produire des événements qui coulent des candidatures et, bien sûr, c'est l'exécutif qui est le plus menacé, mais qu'il peut aussi s'en produire qui ruinent les espoirs des Jadot, Mélenchon, Hollande ou Royal. En tout cas, on ne voit pas grossir les rangs de la gauche au sein d'un mouvement unitaire, du genre : « Nous étions cinq cents mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port » (1). Le seul espoir de la gauche, c'est l'union sacrée entre les Verts, le PS et la France insoumise. Mais vous voyez le très indépendant M. Jadot sous la coupe de l'autoritaire Mélenchon ? Vous ne verrez même pas Jadot tant qu'il n'aura pas surmonté la détestation qu'il suscite chez Éric Piolle, son rival, et chez le chef des Verts, Julien Bayou. Le mieux placé à gauche serait M. Mélenchon, pour autant qu'il consente à rentrer dans le rang social-démocrate. Ni les jeunes ni les caciques du PS ne le jugent supportable et il n'a pas non plus les meilleurs rapports avec les deux plus ambitieux des écologistes. Le temps peut faire des miracles, mais il n'en fait pas forcément.

La seule vraie constante dans l'évolution du paysage politique, c'est la puissance du Rassemblement national. Il se renforce jour après jour. Il finira par s'imposer sinon en 2022, en 2027. Que fait-on pour freiner sa course ? On tape sur Macron, celui-là même qui a empêché Marine Le Pen de triompher en 2017. Il n'y a pas de honte, pour la droite, à se rallier à Macron, comme l'a proposé Christian Estrosi il y a un mois. Peu ou prou, Macron fait au moins une partie du programme de LR et son action a fixé les limites de son expérience, de sorte qu'un président LR ne ferait rien d'autre que de prolonger l'action de son prédécesseur. La droite avec Macron, ce serait ce que la gauche n'aura pas su faire. C'est surtout le moyen d'en finir, une fois pour toutes, avec les fantasmes périlleux de l'extrême droite.

 

(1) Corneille, Le Cid.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin