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Psychiatre, puis-je suivre un patient sans jamais l'avoir reçu en cabinet ?

Publié le 30/06/2022

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste et à Maître Jacques-Henri Auché, avocats au cabinet Auché, partenaire du journal.

ST
Bonjour Maître.
Pendant la période de l'épidémie du Covid une tolérance a permis à des médecins, et dans ce cas plus précis psychiatres, d'exercer en téléconsultation via les plateformes sans n'avoir jamais été installés et donc n'avoir jamais assuré de consultations en cabinet.
Qu'en est-il maintenant ?
Merci et bonne journée.
Cher Docteur,

L'avenant 9 de la Convention médicale, signé le 30 juillet 2021 entre l'Assurance maladie obligatoire (AMO) et les partenaires conventionnels a supprimé l'obligation d'avoir vu préalablement le patient en consultation présentielle dans les 12 mois qui précédent la téléconsultation.

Le nouveau texte met cependant l'accent sur un suivi médical de qualité alternant les consultations en présentiel et les TLC, ces dernières relevant de l'appréciation du médecin qui a la responsabilité de leur pertinence pour le patient

En définitive les obligations en amont sont moins lourdes, mais les médecins sont mis face à leurs responsabilités. 

Pour juger de la pertinence d'une TLC, en cas d’incident, le juge observera soit si le patient était connu préalablement, soit si le médecin avait la capacité de considérer que les symptômes ou motifs à l'origine de la demande relevaient ou non d'une TLC. Si le motif de la TLC ponctuelle est considéré comme non pertinente, le médecin téléconsultant doit  réorienter le patient vers une consultation en présentiel. C'est une obligation déontologique.


 En effet, le conseil national de l’ordre rappelle qu’"Indépendamment de ce que permet la convention nationale, il appartient toujours au médecin qui accepte de prendre en charge un patient sans le connaitre au préalable de lui donner des soins consciencieux, dévoués et fondées sur les données acquises de la science (article R4127-32 du Code de la santé publique) et de renoncer à la téléconsultation si tel ne peut être le cas. A défaut, sa responsabilité pourrait être engagée (…)

Il est vrai qu’aucune disposition du Code de la santé publique, et plus particulièrement du Code de déontologie médicale, n’impose à un médecin de disposer d’un lieu fixe de consultions. Le médecin peut utiliser son adresse personnelle comme domicile professionnel.


Toutefois, il ne peut être accepté qu’un médecin prenne en charge un patient :
 
    • −  sans possibilité de procéder à un examen clinique chaque fois que cela est souhaitable ;
 
    • −  sans aucun ancrage territorial ni aucune connaissance du tissu sanitaire et médicosocial ;
 
    • −  sans se préoccuper de son parcours de soins ;
 
    • −  sans apporter une garantie que la continuité des soins pourra être assurée ».
 


Le nouvel avenant n°6 précise d’ailleurs que « Pour assurer la qualité des soins en TLC, le suivi régulier du patient s’effectue à la fois par des consultations en présentiel et en TLC au regard des besoins du patient et de l’appréciation du médecin, et ce afin que ce dernier puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d’un suivi médical de qualité. »

Ni le cabinet médical, ni la connaissance préalable du patient avant une téléconsultation ne sont donc obligatoires, mais il est rappelé l’importance ne ne pas exercer exclusivement la téléconsultation, et d’alterner entre téléconsultation et consultation en présentiel. L’appréciation entre les deux est laissée au médecin lequel voit sa responsabilité engagée en cas de mauvaise estimation de l’opportunité de recourir à la téléconsultation…

Moins d’obligation mais davantage de responsabilisation et de sanctions.

Bien à vous

Maud Geneste
Avocat 
Conseil, défense et Audit retraite et patrimonial
pour les professionnels de santé
m.geneste@ah-avocats.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr