Si les voyants sont désormais au rouge dans certains départements pour l'épidémie de Covid-19, l’expérience acquise lors de la première vague a cependant permis d’améliorer la prise en charge des patients hospitalisés.
« À l’heure actuelle, deux traitements ont prouvé une efficacité chez ces patients : les anticoagulants et la dexaméthasone », fait remarquer le Pr Olivier Hanon, président du Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle (CFLHTA). Les anticoagulants préviennent le risque d’embolie pulmonaire, « un risque qui avoisine les 20 % selon certaines publications », indique le cardiologue. Qui ajoute : « nous savons désormais que tous les patients hospitalisés doivent être traités par anticoagulants à dose préventive et que chez ceux ayant certains marqueurs élevés, comme les D-dimères ou le fibrinogène, ces anticoagulants peuvent être utilisés à dose curative lors de l’hospitalisation ».
La dexaméthasone, elle, a montré son efficacité dans des essais randomisés, « mais uniquement chez des patients graves, nécessitant de l’oxygène », souligne le médecin. Administrée au moment de la phase inflammatoire, elle permet une diminution de 17 % de la mortalité versus placebo. L’antibiothérapie est réservée à l’existence d’un foyer clinique de surinfection bactérienne. Enfin, en cas de détresse respiratoire, « on sait désormais qu’il faut retarder au maximum l’intubation, en particulier chez les patients fragiles », souligne le médecin.
Effet positif des IEC et des ARA2
Dans le cas particulier des patients hypertendus, les bloqueurs du système rénine-angiotensine — les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2) — ont été suspectés, dans un premier temps, d’entraîner une augmentation du risque d’infection par le SARS-CoV2 ou de complications chez les patients infectés par le virus.
Mais ces doutes ont rapidement été levés par les sociétés savantes. Mieux : les bloqueurs du système rénine-angiotensine pourraient avoir un effet bénéfique sur la mortalité des patients hospitalisés pour Covid-19. Ainsi, une étude observationnelle française, publiée le 9 septembre dernier (1) et pilotée par le Pr Hanon, révèle un effet important de ces médicaments sur la mortalité des patients âgés en moyenne de 86,3 ans : « 20 % de mortalité chez les malades sous IEC/ARA2 versus 40 % pour ceux qui n’en prenaient pas, soit une réduction autour de 45 % de la mortalité à 30 jours chez les patients qui ont reçu un bloqueur du système rénine-angiotensine », indique le gériatre.
Ce constat avait déjà été mis en avant par d’autres chercheurs, notamment une équipe chinoise en avril 2020 (2) : « sur 1 128 adultes hypertendus diagnostiqués positif au Covid-19, on observait une réduction de la mortalité de 65 % chez les patients sous bloqueur du système rénine-angiotensine par rapport à ceux qui n'en avaient pas », ajoute le Pr Hanon. Début août 2020 (3), une méta-analyse portant sur 18 études incluant 17 311 patients au total est venue confirmer ces observations : « quels que soient l’âge et les études, on observe une réduction significative de la mortalité chez les patients qui prennent un bloqueur du système rénine-angiotensine avec probablement un effet plus important chez les patients âgés par rapport aux plus jeunes », indique le cardiologue.
À introduire même sans HTA ?
« La question qui se pose maintenant est de savoir s’il faut introduire les IEC/ARA2 en cas de Covid, que les patients soit hypertendus ou non », indique le Pr Hanon. Plusieurs essais sont en cours, dont l'un mené par une équipe de chercheurs néerlandais : l’étude PRAETORIAN-COVID. Cet essai multicentrique en double aveugle prévoit d’inclure au total 651 patients hospitalisés pour Covid-19, lesquels seront randomisés en deux groupes : l’un recevant du valsartan, l’autre un placebo pendant 14 jours maximum. Le critère de jugement composite est l’admission en unité de soins intensifs, le recours à la ventilation mécanique ou le décès dans les 14 jours suivant la randomisation ; la qualité de vie à 90 jours et à un an sera également étudiée.
En attendant, rappelle le Pr Hanon, la Société française d’hypertension artérielle recommande de ne pas arrêter les bloqueurs du système rénine-angiotensine chez les patients hypertendus, « excepté en cas de déshydratation, d’hypotension et de signes de choc et uniquement de façon transitoire ».
(1) B. Genet et al. JAMDA 2020 DOI : https://doi.org/10.1016/j.jamda.2020.09.004
(2) P. Zang et al. Circ Res 2020 DOI : https://doi.org/10.1161/CIRCRESAHA.120.317134
(3) J. Barochiner et al. 2020 DOI : https://doi.org/10.1111/jcpt.13246