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Dossier

Responsabilité civile professionnelle

Les généralistes de plus en plus mis en cause par leurs patients

Publié le 13/12/2013
Les généralistes de plus en plus mis en cause par leurs patients


VOISIN/PHANIE

Le nombre de dossiers de responsabilité impliquant des généralistes a encore augmenté l’année dernière selon le dernier rapport du Sou Médical publié cette semaine. En tout, 505 déclarations impliquant des généralistes ont été recensées en 2012 par l’assureur. Le taux de sinistralité ne cesse de progresser. Et les médecins traitants ont été plus souvent traduits devant les tribunaux.

C’est une triste confirmation plus qu’une surprise. Les généralistes mis en cause par leurs patients pour responsabilité civile professionnelle (RCP) sont de plus en plus nombreux. Le dernier rapport du Sou Médical, publié cette semaine, montre une augmentation des incidents rapportés à l’assureur. Le nombre de déclarations impliquant des médecins de famille est passé, en un an, de 387 en 2011 à 505 en 2012. Une forte augmentation des mises en cause qui s’explique en partie par la croissance ces dernières années des effectifs généralistes assurés au Sou (45 787 en 2012). Mais pas uniquement. Leur taux de sinistralité est en effet en hausse par rapport à 2011 : 1,3 % contre 1?% ; et il se rapproche de plus en plus de la moyenne des médecins libéraux, toutes spécialités confondues (2,65 %). Même si cela reste faible au regard de disciplines comme l’ophtalmologie (5,7 %) et, surtout, l’anesthésie (21,8 %) ou la chirurgie (38,7 %).

Visiblement, les patients (et leurs avocats) hésitent moins qu’avant à poursuivre leur médecin généraliste. Les auteurs du rapport observent, en outre, depuis quelque temps, une augmentation du nombre de praticiens impliqués dans un même dossier. « Le médecin généraliste est le pivot des soins et il est, de ce fait, de plus en plus souvent mis en cause dans le cadre du suivi de pathologies complexes avec des spécialistes », explique Nicolas Gombault. Directeur du risque médical et de la protection juridique à la MACSF, il est témoin d’un phénomène de plus en plus récurrent de mises en causes « diluées », c’est-à-dire que « les plaintes ne sont plus formulées contre un médecin mais contre une équipe de différents médecins qui se sont succedés auprès du patient ». En tant que médecin traitant, et dans le cadre du parcours de soins, le médecin généraliste devrait aussi se retrouver, dans les années à venir, de plus en plus souvent mis en cause, une tendance qui va sans doute s’accentuer avec le développement de la chirurgie ambulatoire. Du coup, « le médecin généraliste va être en première ligne dans le suivi post-opératoire, une fois que le malade sera sorti d’établissement », prévoit Nicolas Gombault.

Heureusement, la plupart des plaintes reçues par le Sou Médical ne donnent pas lieu à contentieux. Pour l’année 2012, l’assureur a relevé contre des médecins généralistes 40 plaintes au pénal, 75 procédures civiles, 69 plaintes ordinales, 205 réclamations et 116 saisies d’une commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI).

Au civil, le nombre d’affaires impliquant la médecine générale est en augmentation par rapport à 2011. Ce qui la place dans le tiercé de tête des spécialités les plus exposées, entre les anesthésistes (57 affaires ) et les chirurgiens (95). Et, quand les généralistes se retrouvent au tribunal, les juges ne sont pas toujours cléments avec eux. Même si le taux de condamnation a diminué l’an passé (48,5 %), il n’avait cessé de croître ces dernières années (49 % en 2009, 59 % en 2010, 61 % en 2011).

Les raisons de mécontentement des patients

Les motifs de mise en cause de généralistes ont un peu évolué de 2011 à 2012. Sur les 505 déclarations reçues par Le Sou Médical l’an passé, celles liées à la iatrogénie sont, en effet, en forte augmentation. En passant de 95, en 2011, à 166, en 2012, ils sont devenus le premier motif de plainte, devant les affaires visant la prise en charge et les retards de diagnostic. Mais c’est probablement conjoncturel (voir encadré). Lors de l’exercice précédent, les mises en cause pour diagnostic arrivaient en tête, suivi des affaires concernant la prise en charge d’un patient. En justice, on retrouve au civil, essentiellement des affaires portant sur des retards de diagnostic de cancers, de tuberculoses, d’une pneumopathie à pneumocoques, de phlébites, mais aussi de surdosages de médicaments.

Le rapport du Sou fait aussi un focus sur les affaires pénales. La situation est un peu plus rassurante qu’en 2011 pour les médecins généralistes. Les trois décisions qui ont concerné l’an passé des généralistes se sont toutes soldées en leur faveur. Le premier a été mis hors de cause, le décès de son patient ayant été imputé à la pathologie pulmonaire chronique dont il souffrait et non à la prescription délivrée. Le deuxième a été relaxé du chef d’homicide involontaire au motif que les soins prodigués avaient été consciencieux et que le patient, décédé d’une méningite, avait été correctement pris en charge. Le troisième, enfin, inculpé d’homicide involontaire sur un nouveau-né, a finalement été relaxé, l’erreur de diagnostic n’étant pas dû à un défaut de prise en charge mais de renseignements mensongers donnés par la mère de l’enfant.

Indemnisations records

Moins bonne nouvelle en revanche : les dossiers de généralistes ont donné lieu, en 2012, à des indemnisations record pour cette discipline. Plus élevées, en tout cas, que celles de l’année précédente. Deux dossiers ont dépassé les 500 000 euros, quatre les 300 000 euros et sept les 100 000 euros. En tout, le montant global des indemnisations pour cette discipline a dépassé les trois millions d’euros ! Le coût moyen par condamné a presque atteint, en 2012, les 90 000 euros. Il n’était que de 35 000 euros en 2011.