Une imagerie innovante couplée à l’intelligence artificielle

L’évaluation de la rétinopathie diabétique évolue

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Publié le 22/03/2022
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De nouvelles techniques d’imagerie permettent d’affiner le pronostic fonctionnel de la rétinopathie diabétique. Le développement de la télémédecine et de l’intelligence artificielle dans l’aide au dépistage devrait permettre à un plus grand nombre de patients d’y accéder.
OCT angiographie montrant la vascularisation de la rétine

OCT angiographie montrant la vascularisation de la rétine
Crédit photo : P. Massin

La rétinographie en couleur constitue la base de la classification de la rétinopathie diabétique (RD). Jusqu’ici, elle avait un angle de 45° qui, après montage en mosaïque, permettait d’atteindre 110°. Les nouvelles techniques de rétinographie permettent, en un seul cliché, au maximum deux pour un montage, d’avoir des angles de 135° voire 200°, de façon beaucoup plus rapide et objectivant les lésions de la périphérie rétinienne. Or, ces lésions ne sont pas rares dans la RD (30 à 50 % des cas) et on sait maintenant qu’elles constituent des marqueurs de la sévérité et sont associées à un risque d’évolution plus rapide.

L’OCT toujours plus loin

Deuxième outil, l’OCT (tomographie en cohérence optique) est incontournable pour objectiver et quantifier l’œdème maculaire, la maculopathie diabétique étant associée à un mauvais pronostic fonctionnel. Elle permet aussi de visualiser une désorganisation des couches internes ou une interruption des couches externes de la rétine, liées à la chronicité de l’œdème, facteur prédictif péjoratif pour l’acuité visuelle.

L’OCT-angiographie est certainement l’examen le plus innovant et le plus performant. Comme l’angiographie à la fluorescéine, il permet d’observer les réseaux de la rétine, mais sans recourir à une injection. Il analyse les capillaires, recherche des occlusions capillaires, et son couplage à l’OCT permet d’individualiser les différentes couches de la rétine et donc les différents réseaux vasculaires, en particulier au niveau de la macula. Des données d’autant plus intéressantes que c’est l’hypoperfusion au niveau du réseau capillaire profond qui représente l’élément le plus prédictif de l’acuité visuelle et vraisemblablement de la sévérité de la RD. Cet outil évolue rapidement ; on devrait d’ici quelques années pouvoir observer la totalité de la vascularisation périphérique de la rétine.

Ces nouveaux outils proposent de nouveaux marqueurs pronostiques de la rétinopathie qui devront être inclus dans une nouvelle classification.

Une aide au dépistage et à la surveillance

L’ophtalmologie est une des premières spécialités à avoir développé l’intelligence artificielle (IA). On dispose maintenant de différents logiciels de dépistage de la RD qui ont un marquage CE ou FDA.

L’algorithme français OphtAI, logiciel de dépistage automatisé de la RD, a été développé dans le cadre d’un consortium entre le service d’ophtalmologie de l’hôpital Lariboisière (Ap-Hp), le groupe Evolucare et le laboratoire de traitement de l’information médicale (Latim) de Brest. Ce sont les nombreuses données du réseau Ophtalmologie diabète télémédecine (OphDiaT), mis en place par la Pr Pascale Massin (Paris) en 2004, qui ont permis « d’entraîner » les algorithmes pour donner naissance à OphtAI. Pour les 165 000 examens de dépistage, les photographies du FO étaient prises par des techniciens non-médecins et interprétés au niveau des centres de lecture. OphtAI est un des meilleurs outils de dépistage par l’IA, avec une sensibilité et une spécificité supérieures à 95 %. Il permet non seulement de détecter la RD mais aussi d’évaluer de façon assez précise la sévérité de la maladie. « Toutefois, ces algorithmes ne sont pas encore assez performants pour être utilisés sans supervision humaine, prévient la Pr Massin. Ils constituent une aide au diagnostic, mais ne permettent pas encore un tri automatique, et ils ne sont pas aptes à détecter de façon suffisamment fiable les pathologies associées (glaucome, DMLA, mélanome). Il est indispensable de continuer à les entraîner et à les évaluer, et de confirmer leurs performances avant de les utiliser en tri automatique ». L’IA deviendra incontournable pour dépister plus facilement l’ensemble de diabétiques mais à condition de ne pas aller trop vite en besogne.

Cette technologie sera également indispensable pour intégrer, dans une nouvelle classification, les données fournies par les nouveaux outils d’imagerie. La précédente, datant des années 1980, avait mobilisé énormément de ressources. Le nombre d’informations est tel aujourd’hui qu’on ne pourra plus faire de nouvelles classifications si on n’est pas aidé par l’IA. Un projet RHU de l’Hôpital Lariboisière, Evired (pour Évaluation intelligente de la rétinopathie diabétique), va recueillir les données d’imagerie récentes mais aussi celles de diabétologie de 5 000 diabétiques qui seront suivis au moins 3 ans afin d’identifier grâce à l’IA les patients à haut risque d’évolution vers les formes graves de RD et de personnaliser leur suivi.

Exergue : On devrait d’ici quelques années pouvoir observer la totalité de la vascularisation périphérique de la rétine

Entretien avec la Pr Pascale Massin, Ophtalmologue, Paris

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr