* Après plus d’une trentaine de romans (« Impardonnables », « Bleu comme l’enfer », « 37°2 le matin », « Oh… »), Philippe Djian nous projette en « 2030 » (1), quand la planète s’est encore dégradée et que le climat oscille entre soleil de plomb et pluies torrentielles, avec un appauvrissement certain des ressources. Ses personnages, la plupart membres d’une même famille, sont un peu à l’image de notre société déboussolée, prise entre la défense de nos intérêts particuliers et l’intérêt général. Dans ce contexte à résonance très actuelle, une histoire d’amour et des événements tragiques alentour conduisent le héros à prendre position.
* Serge Joncour (« UV », « l’Écrivain national », « Repose-toi sur moi », « Chien-Loup ») s’implante dans une ferme du Lot pour revenir sur près de trente ans de vie politique, sociale et culturelle marquée par des catastrophes, comme l’accident de Tchernobyl ou la crise de la vache folle. De la canicule de l’été 1976 à la grande tempête de décembre 1999, à travers la vie du dernier rejeton de la famille Fabrier, qui s’accroche à la terre, il s’interroge, en mêlant la géopolitique et l’intime, sur l’inéluctable évolution du monde rural et ses conséquences. « Nature humaine » (2) est un roman multiple et puissant qui met en balance conservatisme et modernité, lutte pour la survie et violences, enjeux politiques et économiques de la mondialisation et disparition du mode de vie rural.
* Publié en 2011, « le Tigre » (3) est un livre total, magnifique et vrai, qui se situe en Sibérie. Une équipe chargée d’empêcher le massacre des derniers tigres par des braconniers enquête sur la mort d’un homme dévoré comme si l’animal avait prémédité l’attaque. Le journaliste américain John Vaillant nous entraîne dans l’immensité glaciale de la taïga tout en évoquant les bouleversements économiques qu’a connus la Sibérie (scieries clandestines, exploitation des ressources minières) et leurs conséquences sur la nature et l’environnement. « Mais qu’y a-t-il de pire ? Abattre une bête ou bien laisser sa famille crever de faim ? »
* Nicolas Deleau s’est installé à Prague après avoir vécu aux îles Kerguelen, en Angola, en Éthiopie et à Pondichéry, où il enseignait. Après « les Rois d’ailleurs », récompensé au festival Étonnants Voyageurs, « Des rêves à tenir » (4) est une fable universelle qui mêle le naturel et le merveilleux. L’histoire s’installe dans le bar d’un village de pêche en Bretagne, où des gentils pieds nickelés rêvent d’un monde meilleur ; ils apprennent par la radio qu’en Méditerranée, un porte-conteneurs a été détourné pour abriter des réfugiés rejetés par l’Europe. Alors que l’utopie semble enfin s’incarner, un certain Job, réapparu après trente ans d’errance, semble connaître le passé trouble du capitaine.
Terres dévastées
* Western montagnard, « Buveurs de vent » (5) se joue dans la vallée coupée du monde du Gour Noir, où les habitants n’ont d’autre choix que de travailler pour la centrale électrique, le barrage qui l’alimente ou les carrières qui appartiennent au même propriétaire, un tyran qui contrôle tout et chacun. Au Gour Noir vit aussi une famille, dont les quatre enfants se consolent de la violence du père, de la bigoterie de la mère et de l’absence d’horizon en se soutenant. Le roman de Franck Bouysse (« Grossir le ciel » ou « Né d’aucune femme ») nous emporte doublement, grâce à sa langue fastueuse et au travers du récit des liens indéfectibles qui unissent les trois frères et leur sœur, de leur soif d’amour et de liberté qui va s’affronter à la haine et au mal.
* Auteure de nombreux livres en lien avec l’écologie, Louise Browaeys, qui est agronome, a écrit un premier roman en forme de fable écoféministe : la trajectoire d’une jeune femme qui, au sortir d’un hôpital psychiatrique, enquête pour reconstituer le passé qu’elle a oublié. Expériences, errances et finalement désespérance, avec une mise en parallèle constante entre la femme et la Terre, toutes deux dévastées et qui meurent d’être dominées et maltraitées, forment la trame de « la Dislocation » (6), propre à faire réfléchir sur l’avenir de la planète et sur notre mode de vie.
Mais aussi merveilles
* Olivier Bleys a publié 32 livres traduits en 11 langues qui lui ont valu 16 prix. Il est un marcheur tout aussi émérite. Dans « la Leçon du brin d’herbe » (7), on chemine en sa compagnie dans 16 textes qui témoignent de ses excursions en périphérie des villes comme des étapes de son tour du monde à pied. Comme le brin d’herbe qu’on a foulé se rétablit l’instant d’après et littéralement, se remet debout, écrit-il, « la marche agit de même sur l’homme ou la femme à terre. Elle nous relève des épreuves de la vie ».
* Hervé Hamon est breton. Mais ce n’est pas et de loin la seule raison qui l’a conduit vers un « Dictionnaire amoureux des îles » (8), son 29e ouvrage, après de grandes enquêtes sociologiques ou historiques avec Patrick Rotman (« les Intellocrates », « Tant qu’il y aura des profs », « Génération »), puis des essais, romans et autres où la mer tient souvent une grande place (« Besoin de mer », « l’Abeille d’Ouessant », « Paquebot »). De A à Z, il ne fait pas vraiment le tour du monde mais offre un voyage vers des îles réelles ou irréelles, littéraires ou littérales, qui « sont, plus que jamais, d’extraordinaires révélateurs ».
(1) Flammarion, 210 p., 20 €
(2) Flammarion, 398 p., 21 €
(3) Libretto, 436 p., 15 €
(4) Grasset, 192 p., 18 €
(5) Albin Michel, 392 p., 20,90 €
(6) HarperCollins, 394 p., 17 €
(7) Salamandre, 146 p., 19 €
(8) Plon, 702 p., 27 €