Compétences

Buzyn relance la recertification

Publié le 27/10/2017
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Initié par l’Ordre, adopté par l’ancien premier ministre Manuel Valls avant d’être un peu oublié, le projet de recertification des compétences des professionnels de santé vient d’être relancé par Agnès Buzyn. Froidement accueillie il y a deux ans dans la profession, l’idée semble faire davantage consensus aujourd’hui, malgré quelques réticences et beaucoup de prudence.
Agnes Buzyn Ok

Agnes Buzyn Ok
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Recertification, le retour. Ce chantier, un rien polémique, ne faisait pourtant pas partie de ceux lancés par le ministère de la Santé ces derniers mois. Et voilà qu’Agnès Buzyn a décidé de l’ouverture d’une mission pour la mise en œuvre de la « recertification des compétences des professionnels de santé ». L’annonce est intervenue en fin de semaine dernière, lors de l’ouverture du congrès du Cnom, et ce n’est sûrement pas anodin.

En effet, il y a deux ans, c’est l’Ordre qui avait lancé le débat, en proposant de mettre en place la recertification. Patrick Bouet avait porté cette idée de réforme jusqu’à la Grande conférence de santé, organisée par Manuel Valls en février 2016. Le premier ministre de l’époque avait alors souscrit à la proposition, et promis rapidement une feuille de route pour la mise en place. Un pas en avant qui avait pourtant paradoxalement aussi marqué la mise au point mort du projet. Depuis, on avait peu entendu parler de recertification.

Il faut dire qu’à l’époque, l’idée était loin d’avoir emporté l’adhésion de tous. « Souvenez-vous, nous étions très seuls », se remémore Patrick Bouet. Si le Collège de médecine générale soutenait cette initiative, les syndicats, eux, étaient plutôt vent debout contre. « C’est non, dans l’état du système actuel », martelait Claude Leicher, leader de MG France. Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, évoquait quant à lui une mesure « contraignante, qui ignore les efforts déjà consentis par les médecins libéraux en matière de formation et d’évaluation de leurs pratiques ».

« Non » hier, « pourquoi pas » aujourd’hui...

Curieusement, le projet repart dans un contexte plus propice, avec des syndicats plus réceptifs. Lors de son université d’été à Giens, la CSMF avait d’ailleurs déjà ouvert la porte. « Nous sommes favorables à un processus de type recertification, pour assurer à la population que son médecin est à jour de ses connaissances », explique aujourd’hui Jean-Paul Ortiz. « Mais le terme “recertification” n’est pas le mieux choisi, car il fait référence à un ancien projet de l’Assurance maladie qui voulait faire dépendre le conventionnement des médecins d’une recertification assurée par elle-même », ajoute-t-il. Pour Claude Leicher, si le thème fait autant bondir certains médecins, c’est peut-être aussi une question de génération. « C’est une procédure qui n’existe pas pour notre génération, puisque nous n’avons pas été certifiés. Mais nos jeunes confrères se sentent relativement à l’aise puisqu’ils sont dans cet état d’esprit de vérification des connaissances, de certification, de recertification. Ça leur parait donc une démarche tout à fait naturelle », souligne-t-il.

Il y a deux ans, pour adoucir l’image du « couperet » craint par certains médecins, Patrick Bouet préférait présenter le projet comme un outil de dynamisation des carrières. Il n’imaginait pas une rediplomation à la mode anglaise, mais davantage une analyse du parcours du professionnel à la hollandaise.

Qui pilotera le dispositif ?

On ne sait pas si c’est le modèle que retiendra la ministre de la Santé, qui veut prendre le temps de mûrir le sujet, même si elle expose déjà ses grands principes. « Ma philosophie c’est d’abord : un, il est nécessaire de montrer qu’on s’informe et qu’on se forme tout au long de la vie, deux, il ne faut pas construire une usine à gaz, parce que nous avons besoin de rendre aux médecins du temps médical et trois, un dispositif qui évalue bien ce qu’elle doit évaluer », explique-t-elle.

Un énoncé censé donc répondre aux craintes que certains continuent d’exprimer à l’image du SML, réservé sur cette réforme. « Nouvelles paperasses », « création d’obligations supplémentaires pour les médecins qui en supportent déjà de nombreuses autres », « nouvelle usine à gaz »... Les inquiétudes du syndicat sont nombreuses sur ce dossier. Il questionne également le financement : « Les procédures de recertification telles qu’elles existent déjà pour certaines spécialités engendrent des coûts importants, laissés à la charge des professionnels (…). En outre, d’après l’expérience du DPC, lorsque les pouvoirs publics créaient des obligations nouvelles, ils oubliaient d’en assumer le financement », exprime le SML.

Une préoccupation partagée aussi par ceux qui quoique plutôt favorables à la recertification, constatent que d’ores et déjà les moyens financiers pour le DPC ou la filière de médecine générale ont du mal à suivre aujourd’hui. Au-delà de la question pécunière, tous seront attentifs à ce que la gestion du dispositif soit assurée par les pairs. « Seules les universités peuvent prendre en charge cela, l’Ordre enregistre la procédure », estime Claude Leicher. Pour la CMSF, « il revient au Collège de médecine générale et aux conseils nationaux professionnels, avec les syndicats de spécialités, d’élaborer les critères, et aux syndicats représentatifs de mener la négociation ».

Amandine le Blanc

Source : Le Généraliste: 2811