LE QUOTIDIEN : La 26e Université d'été de la CSMF est placée sous le signe de la rénovation du syndicalisme médical. Pourquoi ce thème ?
DR JEAN-PAUL ORTIZ : La crise du Covid nous a contraint à faire évoluer notre organisation mais aussi notre pratique médicale avec l'essor de la téléconsultation, la coordination sur les territoires entre les médecins et les autres professionnels de santé. Cela nous impose aussi de transformer notre représentation. Par son histoire, la CSMF a vocation à impulser cette rénovation pour sortir du corporatisme étroit avec d'un côté des généralistes et de l'autre des spécialistes.
Le syndicalisme médical est très éclaté. Plus on se divise, plus on s'affaiblit. Nous voulons aller vers un nouveau syndicalisme qui rende service aux médecins, leur donner une perspective pour construire dès 2021 ce que sera le cabinet médical de 2030, ce que sera l’exercice du métier dans les 10 années à venir. C'est pourquoi nous avons lancé un vaste programme de rénovation du syndicat – à la fois de son projet politique, de ses statuts et même de son siège. L'objectif est de faire de la CSMF la maison de la médecine libérale, un lieu pour cultiver l'expertise, en particulier dans le domaine de la formation. Ce sera aussi un lieu de rencontres et d'hébergement des start-up en santé.
Quelle est la place des jeunes médecins et des femmes dans cette rénovation ?
Nous voulons que la branche "jeunes" de la CSMF ait un poids plus important. C'est pourquoi nous allons modifier les statuts pour qu'un nombre de sièges leur soit dévolu au sein du conseil national, l'organe décisionnaire. La parité hommes/femmes dans l'ensemble de nos instances est aussi un impératif. Aux prochaines élections professionnelles [en avril 2021, NDLR], les listes du syndicat comporteront autant de médecins hommes que de femmes. Surtout, la CSMF reste une centrale polycatégorielle, qui ne défend pas telle ou telle spécialité mais le socle commun partagé qui est le métier de médecin libéral, sa place dans la société, son statut social. Si nous défendons tous ce métier, nous serons beaucoup plus forts !
La revalorisation de l'acte médical reste l'une des priorités de la CSMF. Quel est votre objectif ?
Nous allons défendre la revalorisation de l'acte médical sous toutes ses formes, y compris la consultation de base à 50 euros. Mais il faut savoir que cette seule mesure coûterait à l'assurance-maladie 6,2 milliards d'euros par an hors revalorisations des autres actes. Je ne suis pas sûr que la CNAM accepterait de dépenser cette somme pour la médecine de ville. Je ne crois pas au Père Noël.
Quelles autres avancées tarifaires réclamez-vous ?
Il faut revaloriser les actes dans le cadre des soins non programmés. Des expérimentations ont lieu dans certaines régions où le médecin qui reçoit un patient régulé en journée obtient un supplément de 15 euros par acte. Voilà une bonne piste ! De la même façon, pour éviter l'engorgement des urgences, on pourrait permettre aux spécialistes de ville d'utiliser la majoration d'urgence sur des actes techniques réalisés au cabinet. Autres priorités : la revalorisation de la visite à domicile pour favoriser le maintien des patients âgés chez eux, et la hausse des actes de coordination entre généraliste et spécialiste. Cela pourrait concerner les actes ponctuels de consultant sur des pathologies chroniques pour éviter le recours à l'hôpital.
Nous serons également attentifs à la revalorisation de spécialités cliniques comme la psychiatrie et l'endocrinologie. Quant aux actes techniques, la valeur du point travail n'a pas bougé depuis 2003 !
Sur le volet télémédecine, la CSMF demande un coup de pouce tarifaire significatif pour la télé-expertise. Aujourd'hui, le tarif [de niveau 1] est de 12 euros. C'est une insulte à la profession.
Le Ségur favorise l'exercice mixte ville/hôpital. Faut-il souhaiter la fin de l'exercice libéral exclusif ?
Je pense que l'exercice libéral exclusif disparaîtra dans 30 ou 40 ans. La CSMF porte cette évolution vers des modes d'exercice mixte et des carrières évolutives. C'est une mutation naturelle de la société et les jeunes générations poussent en ce sens. Dans un cabinet de ville, il pourrait y avoir des praticiens salariés pour certaines activités. L'essentiel est que les médecins soient correctement rémunérés pour leurs missions.
En cette rentrée particulière, que souhaitez-vous aux médecins ?
Le Ségur de la santé a abouti à des revalorisations significatives pour l'hôpital public et, de façon plus ciblée, pour les praticiens hospitaliers. Exemplaires pendant la crise sanitaire, les médecins libéraux doivent obtenir, eux aussi, la reconnaissance de leur engagement professionnel. Nous le verrons en fonction de l'enveloppe mise sur la table dans le cadre des négociations conventionnelles. Si cette reconnaissance n'est pas à la hauteur des attentes, l'amertume et la révolte nous gagneront !
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