Les délégations de tâches, oui, mais pas n'importe comment. À l'heure où le budget de la Sécu pour 2023 (PLFSS) prévoit de permettre la prescription et l'administration de vaccins (notamment chez les enfants) par les pharmaciens, infirmiers et sages-femmes, les pédiatres mettent en garde contre « le manque de formation préalable ». En juin dernier, la Haute autorité de santé (HAS) avait déjà publié une série de recommandations pour élargir les compétences vaccinales de ces professionnels chez les moins de 16 ans.
Si les médecins comprennent la nécessité « du fait de la démographie médicale déclinante » d’élargir à d’autres professionnels la possibilité de vacciner, le syndicat national des pédiatres français (SNPF) et le conseil national professionnel (CNP) de pédiatrie redoutent « une banalisation de l'acte » et « un nivellement par le bas ». « La vaccination ne se résume pas qu'à la technique d’injection, déjà plus compliquée chez l’enfant, il y a aussi tout le contexte pour dédramatiser la piqûre, fait valoir la Dr Brigitte Virey, présidente du SNPF, auprès du « Quotidien ». Par ailleurs, il y a des connaissances minimales à avoir sur les vaccins, leurs indications, leurs contre-indications, leurs précautions d’emploi ou éventuels effets secondaires. »
Les deux instances de pédiatrie s'alarment notamment d'un potentiel manque d’accompagnement des familles « face à un geste anxiogène pour certains », et ce, alors que « la phobie des piqûres contribue à des couvertures vaccinales insuffisantes » et que « la confiance à l'égard de l'acte vaccinal des enfants s'érode ».
Désorganisation
Autre inquiétude des pédiatres, la potentielle « déconnexion de la vaccination du suivi habituel » des enfants. « L’articulation des consultations obligatoires avec le calendrier vaccinal est un élément majeur dans les stratégies de prévention des pathologies de l’enfant, en matière de dépistage et de diagnostic précoce, rappelle la Dr Virey. Cela va mettre de la désorganisation dans les consultations. »
Toutefois, avec les difficultés actuelles « d'accès à la pédiatrie », le secteur ne ferme pas la porte aux délégations, mais pose ses conditions. « Nous souhaitons que la délégation de tâches s’effectue dans le cadre de maisons de santé pédiatriques ou d’un réseau de soins organisé autour d’un pédiatre ou d’un médecin généraliste », indique la présidente du SNPF, également prêt « à former » les professionnels de santé nouvellement autorisés à vacciner.
« Par exemple, nous sommes pour déléguer le geste vaccinal, mais aussi le suivi des petits patients avec une pathologie chronique aux infirmières puéricultrices, qui connaissent les spécificités l'enfant », précise la Dr Brigitte Virey.
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