La commission scientifique des médecins à l'arrêt

Le DPC dans la tourmente des liens et conflits d'intérêts

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Publié le 06/06/2017
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La commission scientifique indépendante (CSI) des médecins, en charge d'évaluer la qualité des actions de développement professionnel continu (DPC), a stoppé ses travaux. 

Composée de deux sous-sections de 14 membres chacune, l'une pour les généralistes, l'autre pour les autres spécialistes, l'instance a suspendu son activité, plusieurs de ses membres nommés en novembre 2016 ayant été retoqués pour des liens ou des conflits d'intérêts. « Nous sommes dans l'impossibilité d'assurer équitablement nos missions d'évaluation des qualités scientifiques et pédagogiques des actions de formation et considérons que l'arrêt de l'activité de la CSI médecins est inévitable », affirme son président le Dr Jean-Michel Klein (ORL, CSMF).

La sous-section généraliste a déjà cessé de siéger depuis mars. « Les déclarations publiques d'intérêts (DPI) des membres des CSI ont été étudiées par l'ANDPC et la commission d'éthique, explique Michèle Lenoir-Salfati, directrice de l'agence. L'analyse a montré que certains membres étaient en situation d'incompatibilité ou ne pouvaient pas siéger car ces professionnels étaient toujours au conseil d'administration d'un organisme de DPC ou l'avaient été dans un délai de cinq ans. »

Selon le Dr Patrick Dutilleul, président de la sous-section généraliste, dix omnipraticiens sur 14 sont empêchés de siéger ! À l’exception des représentants de l'Ordre et du service de santé des armées, tous les membres de cette sous-section généraliste ont décidé de se retirer des travaux. « Nous sommes dans une situation dommageable car on applique de façon très stricte un règlement là où l'on devrait être pragmatique », regrette le Dr Dutilleul. À la CSI depuis 2013, le généraliste, membre du conseil scientifique de FMC Action, a lui-même reçu une lettre de l'ANDPC lui demandant de ne plus siéger à la CSI.

L'expertise en question

« Auparavant, seule l'appartenance à un conseil d'administration était considérée comme une participation à une instance dirigeante d'un organisme, poursuit le Dr Dutilleul. On considère dorénavant qu'être membre d'un conseil scientifique pose aussi problème. » Selon le généraliste, rechercher un professionnel qui n'a aucun lien d'intérêts revient à chercher une personne qui n'a aucune expertise de la formation.  

Le Dr Dutilleul n'a pas l'intention de démissionner. « Il ne s'agit pas de problème de liens d'intérêts mais de l'application des textes, précise-t-il. Les liens déclarés d'une personne ne vont pas obérer une décision collective. D'ailleurs combien y a-t-il eu de recours administratifs contre la CSI depuis 2013 ? » Selon le médecin, revoir la notion d'appartenance à une instance dirigeante permettrait de régler le problème.

Le président de la CSI médecins souhaite mettre à plat la situation. Il espère un arbitrage du ministère de la Santé et propose que la commission scientifique soit constituée d'une section unique pour l'ensemble des médecins. « Il faut sortir par le haut pour la qualité et l'équité », clame le Dr Klein. L'ANDPC, qui assure la nomination des membres des commissions scientifiques, souhaite de son côté une reprise rapide des travaux de la CSI dont « le rôle est capital pour garantir la qualité du DPC ». Sa directrice souhaite privilégier le dialogue aux mesures autoritaires.

Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9586