En une minute, le supercalculateur Watson d’IBM lit autant d’articles médicaux qu’un humain en 37 ans, pour peu que ce dernier s’abstienne de dormir ou de manger.
En mars dernier, Google et le laboratoire Johnson&Johnson ont annoncé un partenariat en vue de la mise au point de robots chirurgiens plus précis que n’importe quel praticien fait de chair et de sang. De leur côté, Apple et Samsung travaillent sur des systèmes de recueils de données de santé pour alimenter des algorithmes de décision médicale. Mais quelle va être la place des médecins là-dedans ? « Nous allons reprendre notre rôle de shaman », répond, un brin provocateur, le Dr Guillaume Marchand cofondateur de dmd santé, une entreprise qui évalue les applications et les objets connectés liés à la santé. Sur la même longueur d’ondes que le Pr Vallancien, Guillaume Marchand estime que « le diagnostic n’est plus l’apanage du médecin, de par la complexité croissante des images et de marqueurs à analyser. Il n’est pas question d’apprendre des millions de livres mais de faire le lien entre la donnée brute et l’humain en face de nous et de contextualiser les données. Ce n’est pas parce qu’un boîtier de diagnostic automatisé, comme Clue, affirme que l’on a la grippe qu’il faut écarter la possibilité d’un œdème aigu du poumon. »
Les prescripteurs d’informations
Pour le Dr Jacques Lucas, vice-président du conseil national du conseil de l’ordre des médecins (CNOM) et délégué général aux systèmes d’information en santé, « le rôle du médecin ne se limite pas au diagnostic. Il doit donner la conduite à tenir à un patient en fonction de son âge et de ses facteurs de risques associés. Ce genre de réflexion s’inscrit dans une démarche intellectuelle qui ne peut pas être le fruit d’un algorithme. Il n’y aura pas de médecine sans médecin, mais des patients de plus en plus informés. Le praticien doit se préoccuper de devenir un prescripteur d’informations. »
Si le médecin doit déléguer une partie de ces tâches à des systèmes experts, il faut s’assurer de la fiabilité de ces derniers. Le Dr Lucas a étudié la question à l’occasion du livre blanc du CNOM sur la santé connectée dont il a dirigé la rédaction en partenariat avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). « Faut-il aller jusqu’à la certification en tant que dispositif médical, s’interroge-t-il ? Cela dépendra du domaine. S’il s’agit d’un domaine majeur, comme la surveillance de la glycémie, alors il faut considérer cela comme un dispositif médical. Les autres dispositifs peuvent être commercialisés avec une déclaration de conformité qui engage la responsabilité de l’industriel. »
La sécurité des données en question
Idéalement, les médecins devront accompagner et même participer au marché naissant des applications collectant des données de santé. Samsung et Apple proposent des kits de développement comme le HealthKit, un recueil d’interfaces de programmations pour produire des applications de collecte de données. Apple garantit en outre à l’utilisateur final un contrôle complet des données. À l’opposé, « Google fait du tracking des données son trésor de guerre qu’il peut ensuite vendre, explique le Dr Marchand. On a habitué les gens à la gratuité du net, mais le prix à payer est le libre accès à nos données. »
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