« Ce n'est plus "En Marche" mais "A l'arrêt". La révolution portée par votre candidat s'est transformé en fin de mandat par un nouveau slogan que je vous livre (...) : Les Marcheurs ne veulent rien changer », a lancé ce mercredi en colère Sébastien Jumel, député communiste de Seine Maritime.
Durant trois heures, l'élu a défendu, en vain, ce mercredi en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la proposition de loi de son groupe « pour une santé accessible et contre la désertification médicale ». « 7,4 millions de personnes soit plus d’un dixième de la population (11,1 %), vivent dans une commune où l’accès à un médecin généraliste est limité, souligne-t-il. Cette proportion n’a cessé de croître puisqu’elle était de « seulement » de 7,6 % en 2012 ». Le député n'a pas hésité à épingler les « médecins conservateurs », leur « corporatisme » et « l'immobilisme » du gouvernement.
Le texte de sept articles propose des mesures urgentes, souvent punitives, pour assurer une meilleure répartition des médecins sur le territoire. Outre la mise en place obligatoire des contrats d'engagement de service public (CESP, 1 200 euros par mois en contrepartie d'un exercice en zone sous-dotée pendant au moins deux ans) ou la suppression du contrat de début d’exercice, c'est la mesure sur le conventionnement sélectif (une installation pour un départ dans les zones dites surdotées) qui a soulevé un vif débat. Ce dispositif avait provoqué un tollé de la part des syndicats de médecins libéraux et des représentants des étudiants.
Régulation ou coercition ?
Pour justifier cette « régulation » et non cette « coercition », le député communiste rappelle que « si beaucoup de choses ont été proposées et discutées, les résultats ne sont pas au rendez‑vous sur un grand nombre de territoires ».
« Les difficultés aux soins touchent surtout les plus pauvres, dit-il. Les personnes vivant en zone rurale touchée par la désertification médicale vivent en moyenne deux ans de moins que les urbains ». Ces arguments ont été soutenus par les groupes socialiste et UDI. « On a soutenu toutes les mesures incitatives, on a tout essayé, se désole Thierry Benoît, député d'Ille-et-Vilaine (UDI). Mais force est de constater que la situation s'aggrave. Je propose d'expérimenter cette mesure de régulation ».
Pas de quoi convaincre la majorité présidentielle, droite dans ses bottes. La Dr Stéphanie Rist, députée du Loiret (LREM) a fait adopter tous les amendements de suppression des articles de cette proposition de loi. La rhumatologue soutient qu'en quatre ans, « le gouvernement a fait bouger un certain nombre de réformes » comme la suppression du numerus clausus, l'augmentation du nombre de maisons de santé, le déploiement des assistants médicaux, la labellisation des hôpitaux de proximité…
Quant au conventionnement sélectif, une telle mesure risquerait non seulement d'entraîner les malades vers des médecins non conventionnés – donc pas remboursés – mais aussi de décourager les étudiants à faire le choix de la médecine générale libérale, alors que « nous en avons besoin pour faire face au vieillissement de la population ».
Une vigie depuis Pompidou
Ce rejet a été soutenu par le député LR de la Sarthe, Jean-Carles Grelier. « Le conventionnement est une affaire entre les médecins et l'Assurance-maladie, dit-il. Or, aujourd'hui personne n'a demandé que le conventionnement sélectif. Les effets pervers d'une telle mesure seraient incommensurables. D'abord, les médecins risquent de se déconventionner et la médecine serait à deux vitesses ».
Le député LR Jean-Pierre Door soutient cette vision d'apaisement. « Je suis conventionniste et j'ai créé la convention médicale en 1971. Vos préconisations risquent de mettre à mal la convention. Aujourd'hui il y en 90 % de praticiens conventionnés, combien y en aura-t-il demain ? ». « Plus vous contraignez, moins ils s'installent, a renchéri Cyrille Isaac-Sybille, député du Rhône (MoDem). Vous parlez d'innovation, cela vient d'Angleterre c'est une médecine à deux vitesses ».
Ces positions de statu quo ont fait sortir Sébastien Jumel de ses gonds. « Jean-Pierre Door, cardiologue, la vigie de la liberté d'installation depuis Pompidou… La vigie vigilante, expertisée intelligente mais pour que rien ne bouge, ironise-t-il. Votre refus obstiné et dogmatique de bouger se retournera y compris contre les médecins ».
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