L'Association des maires ruraux de France (AMRF) alerte sur la « dégradation » des déserts médicaux, à l'issue de la publication ce jeudi d'une étude* y révélant un « accès aux soins de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français ». Selon l'enquête, qui vise à fournir aux élus ruraux des données pour se forger une opinion éclairée sur « la réalité du désastre sanitaire français », environ 10 millions d’habitants vivent désormais dans des zones où l’accès aux soins est de moindre qualité à celle de la moyenne des territoires.
Sur 3 827 cantons, seulement 91 étaient dépourvus de médecins en 2010 mais 148 le sont en 2017 (+62 %) ; et 3 062 bassins de vie (80 % du total) ont vu baisser leur densité médicale. Cette érosion se conjugue avec une hausse continue de la population âgée de plus de 75 ans (passée de 3,6 à 9,4 % depuis la Libération), la plus consommatrice de soins médicaux.
Départements hyper-ruraux en manque de spés
Ce sont les départements ruraux qui souffrent le plus de cette carence médicale. « Quelle que soit la catégorie de médecin, la densité est systématiquement inférieure à la campagne par rapport aux territoires très urbanisés », note l'étude. Et on recense même deux fois moins de spécialistes pour 1 000 habitants dans les départements hyper-ruraux (70 à 90 % du territoire peu dense ou très peu dense, comme l'Ariège, le Cantal, le Gers ou encore la Lozère).
Ainsi, dans ces départements hyper-ruraux le nombre de spécialistes libéraux est de 0,56 pour 1 000 habitants, contre 1,38 dans les départements hyperurbains (région parisienne, Rhône, Nord, Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes, Haute-Garonne). Sept départements (Haute-Saône, Jura, Deux-Sèvres, Lot, Indre, Orne et Eure) ont des écarts de densité de plus de 60 % pour les spécialistes par rapport à la moyenne.
Du côté des généralistes libéraux, l'écart est moins creusé, avec 0,88 médecin pour 1 000 habitants dans les zones très rurales et 0,93 dans celles très urbanisées. L'étude note aussi « le rôle de rééquilibrage » joué par les généralistes salariés employés dans les hôpitaux de proximité et qui évitent « l’aggravation des déserts médicaux ».

L'âge, bombe à retardement
Des régions entières sont atteintes par cette désertification comme le Centre, la Champagne-Ardenne, l’Auvergne (hors Puy-de-Dôme) ou la Bourgogne (hors Côte-d’Or). « On a longtemps pensé que l’augmentation du nombre de médecins permettrait leur établissement en tout point du territoire. C'est l'effort qui a été opéré par la multiplication des lieux de formation, analyse l'auteur. Mais les effets régionaux escomptés n’ont pas été au rendez-vous, seuls les départements sièges et surtout les villes sièges ont bénéficié de ces implantations. »
Dans ce contexte, le vieillissement de la profession est qualifié de « bombe à retardement ». 55 % des généralistes des départements hyper-ruraux ont plus de 55 ans, contre 48 % sur la France entière ; seuls 10,8 % des généralistes ont moins de 35 ans (contre 14,7 % sur la France).

Pour ne rien arranger, « les jeunes médecins ont tendance à se concentrer dans les départements urbains ou composites, et moins dans les départements ruraux et hyperruraux ».
La féminisation de la profession – 48 % actuellement – est plus marquée dans les départements urbains (50,6 %) que dans les hyperruraux (41,9 %). Celle-ci devrait se poursuivre, avec là aussi des conséquences, selon l'auteur. « Les femmes exercent différemment des hommes, souvent moins longtemps, et pas dans les mêmes lieux », peut-on lire.

Fin 2020, l'AMRF avait déjà publié deux autres études, la première révélant que l'espérance de vie à la campagne se dégradait et la seconde que les habitants des régions rurales « consomment 20 % de soins hospitaliers en moins qu'en ville ».
*Etude sur la santé en milieu rural, réalisée par Emmanuel Vigneron, professeur des universités à Montpellier et spécialiste de l'approche territoriale de la santé
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