Live chat du « Quotidien »

Pr Alain Fischer : « Le vaccin AstraZeneca n'est pas inférieur au vaccin ARN en termes d'efficacité »

Publié le 24/02/2021
Alain Fischer

Invité de la rédaction du « Quotidien », le Pr Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, a répondu pendant une heure à vos très nombreuses questions sur la vaccination contre le Covid-19 au cours d’un Live chat.

Rassurant sur l’efficacité des vaccins, et notamment sur celui développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford, ou sur les effets secondaires observés, l’immunologue a partagé les données disponibles, mais aussi les incertitudes qui persistent, en particulier face aux variants émergents.

Il a enfin encouragé l'implication des médecins dans cette campagne de vaccination : leur rôle « est central, ils doivent donner l'exemple en se faisant vacciner, en expliquant à leurs patients pourquoi cette vaccination est si importante et permettra à terme de recouvrer une vie sociale normale et en vaccinant ! »

Les médecins internautes ont été très nombreux à suivre ce Live chat, qui a battu des records de participation. Face à l’affluence, toutes les questions n’ont pas pu trouver réponse.
Mais le Pr Fischer répondra bientôt à certains confrères sur le site du « Quotidien », pour poursuivre le dialogue avec le corps médical.

Bandeau chat Pr Alain Fischer

Journaliste QDM (PT)

Bonjour à toutes et à tous.
Le Live chat va bientôt commencer. Nous accueillons aujourd’hui le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. Qu’a-t-on appris sur les vaccins depuis décembre ? Que sait-on de l’efficacité du vaccin AstraZeneca et des productions russes et chinoises ? Les médecins de ville, de quelle manière seront-ils associés ? Le Pr Fischer répondra à vos questions pendant une heure.
 
Journaliste QDM (PT)
Les généralistes vont assurer la vaccination avec le vaccin AstraZeneca. N'avez-vous pas peur du fait d'une défiance médiatiquement relayée de voir d’énormes gaspillages de doses ? Comment peut-on y remédier mis à part un discours rassurant ?
On parle d'effets secondaires, mais l’État va-t-il être à la hauteur de ses responsabilités en cas de tels effets au sein des cabinets de médecine générale ?
Pr Alain Fischer
Bonjour à tous, je suis ravi d'échanger avec vous et de répondre à vos questions. Une étape importante se joue cette semaine, c'est le début de la vaccination par les généralistes, avec le vaccin AstraZeneca. Ce vaccin a des conditions de conservation beaucoup plus simples que celles requises par les vaccins ARNm et peuvent être délivrés et stockés en pharmacie. Cela simplifie le parcours vaccinal, et de le diversifier.

Pour l'instant la vaccination par AstraZeneca par des généralistes est recommandée pour les patients de 50 à 65 ans qui ont des comorbidités, des risques de formes sévères de Covid. Dans le système, il y a une lacune : on ne peut préconiser ce vaccin pour l'instant aux personnes âgées de 65 à 74 ans parce que dans les études cliniques, nous n'avions pas des données sur l'efficacité du vaccin au-delà de 65 ans.

Que sait on sur ce vaccin : son principe est d'utiliser un adénovirus inactivé, un virus banal dans lequel on a introduit le gène qui code pour la Spike du coronavirus. Ce type de vaccin n'est pas nouveau : il a été utilisé avec succès pour contrôler l'épidémie d'Ebola en Afrique sans effets secondaires notables.

Les études cliniques montrent que ce vaccin est efficace pour protéger contre le Covid-19 : après la première dose entre J21 et J90 le taux de protection est de 76 % . Après une seconde dose administrée 12 semaines après la première, la protection est de 82 %. De plus, la protection à l'égard des formes sévères est excellente, de l'ordre de 90 %.

On vient d'apprendre par les études "en vie réelle" de la vaccination en Ecosse où ce vaccin est utilisé depuis début janvier que la protection 4 semaines après la première dose atteint 94 % !!! Mieux que dans les essais cliniques ! De plus, pour les personnes de plus de 65 ans et plus de 80 ans, l'efficacité est de l'ordre de 80 %. Cette efficacité n'a pas été accompagnée d'effets secondaires particuliers. Les résultats sont très encourageants, même s'ils doivent être encore confirmés. Ils indiquent que le vaccin AstraZeneca n'est pas inférieur au vaccin ARN en termes d'efficacité. Il offre donc une opportunité d'élargir dès ces jours ci la vaccination à des personnes qui en ont un grand besoin (plus de 50-65 ans avec comorbidités) sans risque particulier, et laisse espérer, dans un délai bref, que le vaccin pourra être utilisé pour les 65 à 74 ans.

Dans ces conditions, ne pas utiliser ce vaccin nuirait gravement à l'avancée du programme de vaccination en France, notamment des personnes les plus vulnérables.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec le Pr Alain Fischer
 
brescia
Retour au travail des salariés à risque vaccinés par le vaccin d'AstraZeneca ? Après la 1re dose ? Attendre la 2e dose ?
Pr Alain Fischer
Compte tenu des informations que je viens de mentionner, on peut considérer que trois semaines après la première dose, le niveau de protection atteint est satisfaisant. Mais il faut continuer à appliquer les gestes barrières.
lumi
Est-il raisonnable de proposer le vaccin Astra Zeneca dans un contexte où les variants sont de plus en plus fréquents ? Quelle est l'efficacité de ce vaccin sur les variants ? Merci
Pr Alain Fischer
Très bonne question. Il faut prendre les variants un par un. Le variant à considérer en priorité est le variant dit anglais, prédominant en France. Les données britanniques montrent que le vaccin est efficace pour protéger contre ce variant, donc pas de soucis.

Ensuite, il faut parler du variant dit sud africain et dit brésilien. Le variant SA est présent à un niveau faible sauf en Moselle à la Réunion et à Mayotte. Dans les autres départements français, sous réserve de la surveillance épidémiologique des variants, il n'y a pas de raison de ne pas utiliser le vaccin AstraZeneca.

On ne sait pas si le vaccin AZ est efficace contre les formes sévères provoquées par le variant SA. Une petite étude sud-africaine indique que ce vaccin ne protège pas les sujets jeunes contre le risque d'infection par ce variant. Mais elle ne dit rien sur la protection contre les formes sévères. Par prudence en Moselle, à la Réunion et à Mayotte, il a été décidé de vacciner uniquement avec le vaccin ARN. Cette mesure n'a pas lieu de s'appliquer dans le reste de la France dans l'état actuel de la diffusion du variant SA.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec le Pr Alain Fischer
 
FRAN13
Bonjour, existe-t-il un consensus concernant la conduite à tenir chez un patient vacciné de sa première dose (Pfizer) et qui est atteint de la Covid avant la date prévue de la seconde injection ?
Pr Alain Fischer
Le plus raisonnable est d'effectuer la seconde injection.
Journaliste QDM (PT)
Y a-t-il un intérêt à vacciner des patients ayant une sérologie Covid positive? En fonction du taux des anticorps ? Et à quel taux ?
Merci.
Pr Alain Fischer
On sait que chez quelqu'un qui a déjà eu une infection Covid une dose de vaccin entraîne une production très élevée d'anticorps qui laisse espérer un excellent niveau de protection. La recommandation de la HAS est que ces personnes ne reçoivent qu'une dose de vaccin dans un délai minimal de 3 à 6 mois après l'infection. Il n'y a pas nécessité de faire une sérologie afin de simplifier la procédure.
Journaliste QDM ((PT)
Bonjour.
Est-ce que la sérologie quantitative ne devrait pas être utilisée dès à présent en post-vaccinal pour évaluer les réponses quantitatives en anticorps et déterminer ainsi au plus vite ces fameux "corrélats de protection" ?
Pr Alain Fischer
Bonne question mais qui est pour l'instant du domaine de la recherche. Les études sont en cours, cherchant à établir un telle corrélation. Ce serait effectivement très utile de disposer d'un tel corrélat, mais il faut attendre les résultats des études en cours aux Etats-Unis.
AirOx91
Pourrait-on avoir un point précis sur les contre-indications actuelles à la vaccination et ce qu'il convient alors de faire : report ou définitive?
Pr Alain Fischer
Il y a très peu de contre-indications : les CI classiques, fièvre, maladie infectieuse en cours : il faut attendre la fin de cette infection. Il y a un point à considérer pour la vaccin ARN : les personnes avec des antécédents de chocs anaphylactiques qui disposent en permanence d'un stylo injecteur d'adrénaline. Ces personnes sont à risque de choc anaphylactique avec le vaccin ARN, qu'il vaut donc mieux éviter et il est logique dans ce cas de préconiser le vaccin AstraZeneca. Sinon il ne faut pas oublier la protection d'emploi des vaccins chez les sujets sous anticoagulants. Et c'est tout !!!
Lili
Espère-t-on un pourcentage de vaccinés qui s'additionnerait au nombre de personnes ayant déjà eu le Covid pour espérer un recul de l'épidémie ?
Pr Alain Fischer
C'est la question de l'immunité collective. Le principe de l'immunité collective implique que les vaccins non seulement préviennent la survenue de la maladie, ce qu'ils font, mais aussi agissent en prévenant au moins partiellement la transmission du virus. Il faut savoir que certains vaccins (hors Covid) préviennent la maladie, non la transmission. En ce qui concerne le Covid, nous ne savons pas encore ce qu'il en est, même si quelques résultats concernant la prévention des formes asymptomatiques sont encourageants. Par ailleurs, le principe d'immunité collective dépend aussi du degré de contagiosité des virus circulants (coefficient R). Plus un variant est contagieux, plus élevé sera le nombre de personnes à vacciner pour atteindre l'immunité de groupe. pour l'instant on ne peut définir la fraction minimale de la population à vacciner pour accéder à ce stade d'immunité de groupe. Avant l'émergence des variants, on l'estimait à 70 % mais compte tenu des variants, il est possible qu'il faille vacciner un pourcentage plus important de la population.
Journaliste QDM (SL)
Live chat avec le Pr Alain Fischer
 
Aloune
Bonjour, j’ai eu quelques difficultés à trouver dans mes patients à risque de 50 à 64 ans des volontaires pour le vaccin AstraZeneca... ; puis-je élargir à d’autres patients de cette tranche d’âge ? Voire plus jeunes qui souhaitent être vaccinés ?
Pr Alain Fischer
Il faut en premier lieu essayer de convaincre les personnes à risque âgées de 50 à 65 ans de se faire vacciner. Malheureusement, cela prend du temps mais il est essentiel de rappeler l'efficacité de ce vaccin et son excellente tolérance, surtout à ces âges.
BérengèreT
Peut-on espérer pouvoir disposer à l'avenir des vaccins chinois et russes?
Pr Alain Fischer
Le vaccin russe est à adénovirus, comme AstraZeneca. C'est le même principe : deux doses à trois semaines d'intervalle. Ce vaccin a démontré une bonne efficacité sur la protection contre la maladie (92%) confirmant au passage que ces vaccins à adénovirus sont de bons vaccins ! Pour que ce vaccin soit éventuellement utilisé en France, il faut que les producteurs russes soumettent leur dossier réglementaire à l'Agence européenne du médicament, pour obtenir l'indispensable agrément qui certifie la qualité du produit, sa sécurité et son efficacité. C'est un gage de rigueur que l'on doit à nos concitoyens. A ce jour, les Russes n'ont pas soumis de dossier à l'EMA, mais ils sont probablement en négociation avec les industriels allemands, ce qui suggère que les Russes envisagent une production en Allemagne de leur vaccin, ce qui permettrait l'homologation par l'EMA de leur vaccin. Mais pas avant plusieurs mois.

En ce qui concerne les vaccins chinois, certains ont fait preuve d'une assez bonne efficacité (lors d'essais au Brésil). Il s'agit de vaccins fondés sur du SARS-CoV-2 inactivé. Là aussi, les industriels chinois n'ont pas soumis de dossier à l'EMA...
Journaliste QDM (PT)
A quand les vaccins pour les moins de 18 ans. Où en sont les études ?
Cordialement.
Pr Alain Fischer
Premièrement, il n'y a pas une nécessité immédiate de vacciner les enfants qui sont peu atteints et peu contagieux, bien que l'émergence des variants peut faire évoluer cette notion. Des études sont en cours pour évaluer l'efficacité et la sécurité des vaccins chez les moins de 18 ans. Les résultats sont attendus pour cet été, si nécessaire, les vaccins pourraient être utilisés ensuite chez les enfants.
Journaliste QDM (PT)
Est-ce que les infirmières et les pharmaciens pourront vacciner ? Quand ?
Un médecin devra-t-il être présent lors de la séance de vaccination ?Cordialement.
Pr Alain Fischer
Oui, les infirmiers et les pharmaciens pourront vacciner. Les infirmiers, pourront notamment le faire dans le cadre d'équipes mobiles auprès des personnes âgées et à mobilité réduite. Les pharmaciens dans leur officine, dans assez peu de temps. Il y a tout intérêt à multiplier les modalités de vaccination pour vacciner au plus vite un maximum de personnes.
Il n'est pas nécessaire qu'un médecin soit présent.
HappyPro
Faudra-t-il des rappels de vaccins tous les ans comme pour la grippe ?
Pr Alain Fischer
On n'en sait encore rien pour des raisons évidentes de temps, mais c'est un scénario plausible.
HappyPro
La stratégie vaccinale de la France permet-elle d’espérer que tous les Français qui le souhaitent seront vaccinés avant la fin de l’été ?
Pr Alain Fischer
Potentiellement oui, à condition que :
1) l'ensemble des vaccins précommandés soit validé par l'EMA.
2) Que les livraisons de vaccins suivent le programme prévu.
3) que l'adhésion de la population à la vaccination soit suffisamment élevée. Ce dernier point est majeur. les médecins ont un rôle essentiel à jouer pour expliquer à leur patientèle l'intérêt individuel et collectif de la vaccination.
Journaliste QDM (PT)
Quand sera-t-on en mesure de choisir son type de vaccin ?
De nombreuses personnes posent cette question et ne veulent pas qu’on leur impose tel ou tel type de vaccin.
Pr Alain Fischer
Le plus important est de bien considérer les caractéristiques des vaccins. On s'aperçoit pour les vaccins disponibles aujourd'hui que les caractéristiques des vaccins sont très proches. Cette question est en fait un faux problème. Il faut juste bien expliquer aux personnes qui l'évoquent ce qu'il en est de chaque vaccin et de leurs circuits de distribution, dans la mesure où, par exemple, le vaccin de Pfizer nécessite un stockage de -70°C et ne sera sans doute jamais utilisé dans les cabinets de ville.
Chatonito
Comment expliquer le retard de la France dans la production de vaccins ?
Comment expliquer le faible approvisionnement de notre pays en vaccins commercialisés ?
Pr Alain Fischer
Il y a plusieurs projets de production par des entreprises françaises. Le projet de Sanofi a pris du retard. La société Valneva a un projet de vaccin par virus inactivé qui est en cours de développement. Le projet initialement entrepris par l'Institut Pasteur et repris par la société Merck a été interrompu, faute de bons résultats.
Il y a par ailleurs 3 autres projets développés par des équipes académiques, en cours de développement pré-clinique. En ce qui concerne l'acquisition des vaccins commercialisés, la France achète ces vaccins en commun avec les autres pays de l'UE et en dispose au prorata de sa population. Le rythme de la vaccination dans notre pays est comparable à celui de nos voisins comme l'Italie ou l'Allemagne.
Journaliste QDM (PT)
Ce Live chat est sur le point de se terminer. Dernière question...
 
-- MJF
Je suis maintenant rassurée sur l'efficacité du vaccin Astra Zeneca grâce à vos informations. Il semble y avoir eu chez les jeunes internes vaccinés 50 % d'états pseudo-grippaux entrainant des arrêts de travail . Faut-il conseiller un traitement antipyrétique préventif par doliprane, le jour du vaccin de façon à modérer cet effet indésirable ?
Pr Alain Fischer
Le vaccin AstraZeneca provoque chez les sujets jeunes, parfois, un syndrome pseudo grippal dans les 24 premières heures. Ce syndrome est toujours réversible, et peut être lié à une infection antérieure par la Covid. La fréquence est plutôt de l'ordre de 25% que de 50%. On sait que la prise de paracétamol juste avant l'injection, puis toutes les 6 heures prévient ou atténue la survenue de ce syndrome et doit donc être systématiquement prescrite aux sujets jeunes.
Journaliste QDM (SL)
Merci Pr Alain Fischer, d’avoir participé à ce Live chat avec les lecteurs du « Quotidien ». Le mot de la fin ?
Pr Alain Fischer
Merci de votre intérêt et de votre motivation pour assurer la campagne de vaccination contre la Covid. Le rôle des médecins est central, ils doivent donner l'exemple en se faisant vacciner, en expliquant à leurs patients pourquoi cette vaccination est si importante et permettra, à terme, de recouvrer une vie sociale normale et en vaccinant !!!
Journaliste QDM (SL)
Merci à vous tous pour votre participation. Encore une fois, nous sommes désolés ne pas avoir pu relayer toutes vos nombreuses questions.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr