Les ouvrages sur le phénomène « salle de garde » ne manquent pas. Celui rédigé sous la direction du Dr Jean-Pierre Brunet (1), et disponible ces jours-ci aux éditions de l'AIHP, apporte un regard frais, chaleureux, et parfois intimiste, sur ce lieu de fraternité fréquenté par des générations de médecins, et qui tend aujourd'hui à disparaître.
« Les internes racontent… la salle de garde » (2) réunit 38 témoignages d'anciens internes des hôpitaux de Paris, ceux-là même qui ont fait les salles de garde. On y retrouve des noms célèbres comme ceux du Pr Christian Cabrol, d'Yves Pouliquen ou de Jean-Christophe Rufin, ces deux derniers étant membres de l'Académie française.
Leurs récits s'étalent de l'avant guerre à nos jours, sur près de 70 ans (depuis la promotion AIHP 1937 jusqu'aux ECN 2006). Tour à tour, ils évoquent leurs souvenirs, leurs impressions sur leur internat et la vie hospitalière, chacun avec son style et sa personnalité. Jean-Pierre Brunet a souhaité les publier « bruts de décoffrage », sans rien censurer ni orienter. Cette mosaïque de points de vue fait toute la richesse du livre.
L'idée de cet ouvrage est venu lors d'une visite de l'exposition consacrée aux salles de garde du Musée d'histoire de la médecine, à la Faculté Paris Descartes. « Belle exposition, pense alors Jean-Pierre Brunet devant les fresques coquines, les photographies de "Tonus" et les posters de chansons paillardes. Mais la salle de garde, ce n'était pas que ça. » En donnant la plume à ses confrères, le médecin espérait transmettre l'état d'esprit qui y régnait, « fait de camaraderie, de fraternité et d'humanisme ». Pari réussi.
Pr Cabrol alias Bill
Au fil des 349 pages, les auteurs partagent les souvenirs d'internat et les rencontres qui influenceront leurs parcours professionnel et personnel. Ils nous confient aussi leurs anecdotes. On y apprend pourquoi le Pr Cabrol (AIHP 1951) était surnommé Bill, comment les internes de Bicêtre écrivirent à Georges Simenon.
Jean-Yves Follezou (AIHP 1971) raconte comment il a croisé André Malraux et Francis Blanche, aux derniers instants de leur vie. Jacques Hureau (AIHP 1957) se souvient, avec une précision chirurgicale, de la fois où il a sauvé un homme victime du « sourire kabyle » en pleine lutte entre FLN et MNA. Yves Pouliquen (AIHP 1957) évoque l'exposé sur le réflexe oculo-sexuel auquel il a échappé, ou encore la mystérieuse disparition de la chaise percée que le Général de Gaulle avait utilisée lors de son hospitalisation et que les internes avaient enchâssée à Cochin…
Les mœurs si particulières des salles de garde ne sont pas occultées. Clément Fauré (AIHP 1946) se souvient de ces deux filles qui « n'étaient pas avares de leurs charmes et acceptaient volontiers des débats amoureux. Elles passaient dans une chambre voisine […]. Un jury fut créé pour désigner celui qui susciterait les ébats les plus bruyants […]. »
La disparition de nombreuses salles de garde dans les hôpitaux laissent ainsi un goût amer à certains. Et pas seulement aux vieux briscards et autres « fossiles ». La relève prend aujourd'hui sa défense. « La salle de garde, c'est l'école du respect et de la solidarité, écrit Diane Lazard, promotion AIHP 1999. Ceux qui ne côtoient pas la mort et la souffrance dans leur quotidien ne peuvent comprendre nos "excès". »
(1) « Les internes racontent... la salle de garde. Soixante-dix ans de souvenirs hospitaliers », sous la direction de Jean-Pierre Brunet. Les éditions de l'AIHP : www.leseditionsdelaihp.fr
(2) Jean-Pierre Brunet (promotion AIHP 1961) est l'auteur de « Kien An ou la Nuit sans crépuscule ».
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