Chaque année, entre 350 000 et 400 000 personnes sont jugées aux assises. Encore plus frappant, plus de 1 000 personnes en moyenne sont chaque jour contraintes de comparaître devant des tribunaux ou des cours d'assises. C'est de cette constatation que part ce livre. Qu'est-ce que juger et punir ? Que signifie être accusé, condamné, puni ? Et, surtout, pourquoi acceptons-nous si facilement cette réalité, comme si elle relevait de la routinière évidence ?
Alors, Geoffroy de Lagasnerie nous emmène faire un petit tour dans les tribunaux, il en ressaisit la mise en scène, le dispositif et la topographie symbolique : président et avocats haut placés, accusés un peu piteux dans leur box, entourés de policiers et de gendarmes.
C'est à ce moment que ressurgissent tous les romans, les films nombreux consacrés aux procès et à la culpabilité, et la silhouette d'Henry Fonda vient gravement nous hanter. Comme nous hantent les deux paradigmes : la cour d'assises est un théâtre et une cérémonie religieuse en même temps.
La réalité est beaucoup plus triste et banale, révèle l'auteur. La Justice est une machine routinière, qui tourne à vide. On est frappé par le fait que l'imputation du crime se fait moins en fonction de la personnalité de l'accusé que du fait qu'il s'en est pris à l'État, à la Société, qu'il a troublé un ordre intangible.
Un instrument de domination
Par ailleurs, les avocats généraux justifient les peines requises par rapport à une échelle générale : tant pour un braquage, tant pour des coups mortels, etc., la sanction n'est pensée qu'à l'intérieur d'un barème autoréférentiel. Voici comment ce petit tour au tribunal engendre tristesse, monotonie, et surtout révèle une fausse évidence : quel est ce « donc » qu'énonce l'avocat général lorsqu'il requiert telle peine contre tel prévenu ? Comment contribue-t-il à mettre hors circuit toute la réalité sociale d'une existence dominée ?
Car l'auteur, très bourdieusien, pointe de façon… accusatrice cette mise hors circuit. « La Loi, le tribunal ne représentent pas des instances qui se situeraient en dehors de la société et au-delà des enjeux. Ils constituent au contraire des lieux où se déploient des tactiques de domination et de reproduction de la domination. »
L'inconvénient de ce livre brûlot, c'est que l'auteur s'y fait procureur absolu et ne plaide qu'à charge : la justice est répression, violence et son but n'est que de « faire souffrir ». S'il est vrai que l'État, comme le disait Max Weber, « est le détenteur de la violence légitime », il est aussi celui qui peut protéger le groupe d'un criminel polyrécidiviste, réparer un peu, faire valoir nos droits. Autant plaider dans le désert, car Geoffroy de Lagasnerie nous répondrait que le droit n'est jamais que le faux nez d'une violence sociale.
Fayard, 300 p., 18 €.
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