SOYONS clairs, ce livre explose en permanence de femmes fontaines, fait entendre mille gémissements, affole les sens d’organes, sucs, sécrétions, ruisselle d’humeurs qui font entendre la mélodie jamais interrompue d’un plaisir qui ne s’arrête que pour préparer le lit du prochain désir. Qu’est-ce que l’austère philosophie, murée entre Raison et Logos, a à voir avec cette honteuse pornographie ?
« Tout à voir ! », s’exclame Giulia Sissa. Au commencement était Éros. Surgissant du chaos primordial, il y a la mise en contact de la Terre et du Ciel. Le reste découle de cette copulation. Éros met le monde en branle.
Ensuite, c’est comme si tout s’agitait, se perdait en convulsions et spasmes. « Du mélange du sperme d’Ouranos et de l’eau mousseuse de la mer, prend naissance Aphrodite, la déesse qui enchante et subjugue tous les vivants mortels et immortels. » Aphrodite, qui, en offrant l’adultérine Hélène à Pâris, provoque la guerre de Troie. « Entre mythologie et enquête, le désir fait l’Histoire », ponctue l’auteure, dont l’écriture se survolte de façon gourmande.
Les traités de l’amour et du sexe se sont volontiers enracinés dans l’amour courtois du Moyen Âge et de la Renaissance, oubliant que l’Antiquité ne parle que de ÇA. Héraclite le présocratique avait donné le ton en s’écriant : « Tout coule ! »
Le désir et le manque.
Galien scrute en médecin cette « merveilleuse faculté de jouir ». Bien avant Schopenhauer et Darwin, Aristote pense que le plaisir est la ruse que l’espèce a choisie pour perpétuer la race humaine. On sait que le désir est omniprésent dans l’œuvre de Platon. Il y apparaît en creux, comme un manque torturant, négativement connoté, car il nous installe dans une recherche sans fin et nous détourne de la sérénité contemplative. Qui peut douter que, sur ces sujets, Platon ait été passablement hypocrite. Son maître Socrate avait avec le bel Alcibiade quelques commerces très éloignés de la sèche contemplation des Idées.
Rome n’est pas en reste. Il y a chez Lucrèce beaucoup de bergers qui s’égarent délicieusement et Ovide enseigne doctement l’art d’aimer.
« Pour comprendre le sexe et l’amour, il faut oublier la sexualité, c’est-à-dire les règlements du corps, la nosographie des pulsions et le devoir faire de la nature », dit l’auteur. Il faut repenser la sensualité.
Cette dernière est un moment esthétique privilégié. Mais est-elle un moment éthique, comme l’affirme la plume extatique qui laisse échapper que l’acte de plaisir nous fuit avec un temps particulier ? Comme nous échappe, est-il regretté, avec « l’Épître aux Corinthiens » de Saint Paul, le moment où la question antique se change en angoisse chrétienne et où surgissent les vices et le péché.
Giulia Sissa, « Sexe et sensualité », Éditions Odile Jacob, 296 p., 24,90 euros.
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