LA DÉCOMPRESSION, c’est le moment où un gaz progressivement se détend. Incontestablement, la situation économique de la planète est tendue, mais Philippe Dessertine se place à un moment du temps où, pouvant un peu souffler, on esquissera quelque saine prospective.
D’abord, notre auteur nous place devant deux murs. Le premier, c’est bien entendu celui de la crise économique, la plus grave depuis celle de 1929. Le second est celui du dérèglement climatique. De puissantes œillères nous cachent l’importance de ce dernier. En portant secours au capitalisme blessé, on contribue à toucher les limites du supportable en matière de pollution, d’énergie et de gestion de l’eau. Autrement dit, « si le modèle économique des pays riches est appliqué aux sept milliards d’êtres humains, la planète explose ». Voici, patient lecteur qui a lu jusque-là, un début peu réjouissant.
Après les deux murs, les deux cataclysmes récents. Avec précision, Philippe Dessertine revient sur la chute de Lehman Brothers et le naufrage grec. Il nous montre, dans le premier cas, la folie d’une dette accumulée pour financer une production fictive, des investissements aberrants, une consommation éperdue. Le philosophe retiendra que la rationalité économique n’est pas rationnelle : on émet une dette qu’en aucun cas notre production de richesse ne peut rembourser.
Le cas de l’effondrement grec a été beaucoup étudié. Travail au noir, absence de rentrées fiscales s’ajoutent à des excès peu platoniciens. Les investissements pour les jeux Olympiques de 2004 n’ont jamais été amortis et, surtout, la Grèce s’est dotée d’un armement massif pour se défendre de la Turquie.
Travail et Internet.
Il faudra longtemps pour assainir la situation et les mesures que propose ce livre ne sont pas tout de suite révolutionnaires, elles tiennent lieu de postulats fondamentaux. Une centaine de pages sont consacrées à dire l’importance de la valeur travail et de l’emploi, « élément social fondateur de tout individu », à redire que sans travail on n’a plus ni dignité ni humanité. On regrettera ici que manquent les précisions : un travail à n’importe quel prix ? Même s’il n’a aucun intérêt pour la personne ? Doit être absolument revalorisé également le rôle de la finance. Mais cette finance, si facilement honnie quand elle a pris la forme d’un grand casino mondial, devra se mettre au service d’Internet.
Ah, nous y voilà, dit le lecteur (mais à ce stade de la démonstration, nous ne sommes pas sûrs qu’il en reste encore), et, effectivement, l’explosion des technologies numériques sera aussi celle des vieilles structures. Déjà, les internautes se jouent des droits frontaliers et s’inventent des territoires virtuels. Il faudra, dit l’auteur, dont l’enthousiasme devient communicatif, se mettre à penser, à légiférer, à réprimer de manière différente. À travailler aussi avec un modèle déjà préexistant.
Actuellement, des millions de gens peuvent travailler chez eux avec un téléphone et un ordinateur. Ces mêmes personnes qui perdent chaque jour au moins trois ou quatre heures parce qu’elles sont dans les embouteillages. Le développement du travail à domicile (tant pis pour la chaleur humaine autour de la machine à café) a pour corrélatif (nous prenons notre élan) l’abandon progressif de la sacro-sainte bagnole. C’est là-dessus que l’auteur, conscient que ce sera long, est le plus fort. Une bagnole attentatoire par ses coûts, aussi bien à la croissance qu’à l’environnement.
La décompression sera longue, mais c’est une extraordinaire aventure. Elle passera aussi, dit Philippe Dessertine, par le progressif abandon des villes. Étonnant, non ? À lire d’urgence.
Philippe Dessertine, « la Décompression », Éd. Anne Carrière, 487 p., 20 euros.
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