« L'Île d'or », par le Théâtre du Soleil

Ariane Mnouchkine, retour au Japon

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Publié le 26/11/2021

Près de soixante ans après sa découverte de l’archipel, Ariane Mnouchkine conduit la troupe du Soleil sur « l’Île d’or » pour une aventure digne d’un manga contemporain, émouvant et drôle, cascade de belles scènes.

Crédit photo : MICHÈLE LAURENT

La troupe du Soleil devait se rendre sur l’île aux trente théâtres, Sado, en mars 2020. Mais la pandémie a tout interdit et Ariane Mnouchkine, elle l’a elle-même confié, a été violemment touchée par le Covid. On est en novembre 2021, et voici que l’on accoste à « lÎle d’or ». Un spectacle qui, comme les autres nés dans la lumière de celle qui est l’un des derniers très grands maîtres du théâtre mondial, frappe par sa beauté, simple et sophistiquée, son originalité, la largesse de son spectre thématique.

Si c’est la réalité souvent sombre de notre monde qui inspire cette création collective, « en harmonie avec Hélène Cixous », l’intrigue, simple, est traitée comme une BD, un manga. L’île est petite et préservée. Chaque année, dans un grand hangar, se tient un festival international de théâtre, soutenu par la maire, femme de tête qui va devoir se battre contre les projets immobiliers, avec marina, golf, casino, d’un groupe soutenu par des financiers brésiliens, chantier qui suppose la mort des pécheurs et la destruction du hangar. On retrouve Cornelia, qui, dans « Une chambre en Inde », rêvait qu’on lui demandait de remplacer le metteur en scène empêché. Cette fois, elle est malade. Escorté d’un infirmier ange-gardien nommé Gabriel, elle délire. Elle se croit au Japon et elle élabore au fur-et-à mesure les scènes… Le musicien Jean-Jacques Lemêtre est de retour, accompagnement essentiel, complété par des chansons en anglais. Vous serez peut-être surpris par les dialogues, la langue française fait des clins d’œil au japonais… L’oreille accepte très vite cette originalité et cela ajoute à l’humour.

Au Soleil, on vient du monde entier, on est sur tous les fronts. Ils sont une quarantaine. Plusieurs personnages, plusieurs fonctions pour chacun, des scènes qui s’enchaînent à toute allure. Si la tragédie et l’angoisse sont sous-jacentes, le spectacle est très drôle et très divertissant. Il y a là quelque chose de joyeux, d’enfantin. Une belle récréation qui nous fait oublier tous les tracas de la réalité. Ne partez pas en courant : les tambours interviennent magistralement à la fin, dans le hall. Et procurez-vous le merveilleux programme !

Théâtre du Soleil, Cartoucherie, 75012 Paris. Durée : 3h30, entracte et démonstration de tambours compris. Tél. 01.43.74.24.08, theatre-du-soleil.fr. En juin 2022, le spectacle sera accueilli au TNP-Villeurbanne.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin