Créateurs et dramaturges

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Publié le 13/11/2020
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Pour oublier les salles fermées, les spectacles empêchés, lisons de bons ouvrages en espérant une reprise rapide.

Pour les amateurs de spectacle vivant, les temps sont durs et si l’on trouve de nombreuses occasions d’assister par Internet à des spectacles joués en direct, si l’on trouve sur les sites des chaînes de télévision des pièces de théâtre, notamment sur France 5. Jusqu’à ce vendredi 13, vous pouvez par exemple visionner  « J’ai des doutes », le spectacle de François Morel en hommage à Raymond Devos.

Bref, on peut picorer, ici ou là, des spectacles souvent bien tournés. Et l’on peut se plonger dans les livres, puisque, avec le « click and collect », les librairies peuvent vous ouvrir leurs portes. Voici quelques ouvrages récents, qui ont un lien avec le théâtre.

* « Machines de ville »

Que vous les ayez vus avancer dans les rues des villes, du temps des grands spectacles de la compagnie Royal De Luxe, dirigée par Jean-Luc Courcoul, et, entre autres, le Géant, la Petite Géante, le Grand Éléphant ; que vous n’ayez vu que des reportages au moment des occupations pacifiques du Havre, de Nantes ou au-delà des frontières, en Chine, en Amérique du Sud, vous connaissez ces « personnages », humains surdimensionnés ou animaux fabuleux ; ou que vous ayez visité les sites où s’épanouissent désormais ses inventions, vous connaissez François Delarozière.

Un nouvel album, abondamment illustré de photographies et de dessins vient d’être publié, dans un très joli format de long carnet rectangulaire. Le livre est consacré, entre autres événements, à l’installation des artistes, ingénieurs, techniciens, manipulateurs de la Compagnie La Machine, à Toulouse. Sur le site de l’ancienne piste des pionniers de l’Aéropostale, est né, il y a quelques saisons, un extraordinaire Minotaure qui déambula dans les rues de la Ville rose pour le grand bonheur des petits et des grands. Dans ce livre, vous prendrez aussi la mesure du talent exceptionnel de François Delarozière, dessinateur fascinant et imagination poétique grisante.

(Actes Sud/Compagnie La Machine, album très illustré, 208 p., 35 €)

* « Lagarce, une vie de théâtre »

Ancien critique dramatique de « Libération », dramaturge, grand reporter, essayiste et aujourd’hui auteur d’un blog très important, « Balagan théâtre », Jean-Pierre Thibaudat est le journaliste qui connaît le mieux la vie et l’œuvre de Jean-Luc Lagarce. Il avait, il y a quelques années, déjà consacré un ouvrage à cet écrivain fauché très tôt par le sida. Reconnu comme un excellent metteur en scène, Lagarce a pris, au fil du temps, une place de premier plan comme écrivain, traduit en trente langues et partout joué.. Si « Juste la fin du monde » a largement dépassé le cercle des amateurs d’art dramatique, grâce au film de Xavier Dolan, son œuvre est remarquable et sa vie marquée par la camaraderie au sein de sa compagnie et son travail immense. Dans cet ouvrage très bien écrit et sensible, Jean-Pierre Thibaudat raconte cette vie brève d’une force bouleversante. Lycéens et étudiants seront touchés par ce destin, eux qui découvrent l’écriture de Jean-Luc Lagarce, son style très frappant, au programme du baccalauréat et des grands concours d’enseignement.

(Les Solitaires Intempestifs, Coll. « Du Désavantage du vent», 208 p.,10€)

* « A l’écoute »

Si cet ouvrage bref, signé Peter Brook et traduit par Jean-Claude Carrière, est sous-titré « Réflexions sur le son et la musique », il y est surtout question de l’art de la mise en scène et du trajet d’un artiste qui domine le spectacle depuis plusieurs dizaines d’années. Comme aime le faire celui qui fit des Bouffes du Nord, avec Micheline Rozan, un foyer de création connu dans le monde entier, les articles sont riches d’anecdotes savoureuses, qui tissent des fils et dessinent une histoire de la création, en Europe et aux États-Unis, particulièrement, depuis plus de soixante ans. Parmi les souvenirs, la mise en scène de « l’Opéra de quat’sous » de Brecht. Peter Brook a repéré un jeune comédien qui joue dans une église. Il en rêve pour jouer le mauvais garçon et « héros ». Il se nomme Richard Burton… Mais c’est finalement Laurence Olivier, très connu, qui jouera le rôle…

(Odile Jacob, 144 p., 15,90€)

* « Le Petit Coiffeur »

Parmi les spectacles qui étaient à l’affiche à Paris avant le reconfinement, la nouvelle pièce de Jean-Philippe Daguerre « le Petit Coiffeur ». Auteur heureux d’« Adieu Monsieur Haffmann », qui reçut quatre Molières en 2018, auteur de « la Famille Ortiz » en 2019, Jean-Philippe Daguerre choisit de plonger une nouvelle fois dans la deuxième guerre mondiale. On est en juillet 1944, à Chartres. Dans la réalité, la libération de la ville est connue notamment par des photographies terribles de femmes tondues dans les rues. Dans la fiction, le petit coiffeur se trouve contraint de faire subir cette humiliation à une femme… Mise en scène par l’auteur au Théâtre Rive-Gauche, la pièce était l’un des grands succès de la saison. Espérons qu’elle puisse bientôt reprendre. En attendant, on peut la lire.

(Albin Michel, 144 p.,12 €)

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin