Deux opéras sur DVD

Chefs-d’œuvre du XXe siècle

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Publié le 09/09/2019
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Deux chefs-d’œuvre lyriques du XX° siècle paraissent en DVD dans des mises en scène passionnantes : celle d'Andrea Breth pour « Jakob Lenz », de Wolfgang Rihm, et celle de Dmitri Tcherniakov pour « Pelleas et Mélisande », de Claude Debussy.

« Jakob Lenz », l'opéra de chambre du compositeur allemand Wolfgang Rihm (né en 1952), a été le spectacle le plus acclamé du controversé Festival d’Aix-en-Provence, dont la fréquentation a baissé cet été de 25 %. Cette coproduction germano-belge signée Andrea Breth a été filmée en 2015 au Théâtre de La Monnaie de Bruxelles, avant d’être présentée à Aix avec une distribution à peine différente.

Créé à Hambourg en 1979, « Jakob Lenz » est l’un des deux opéras les plus forts du siècle dernier, l'autre étant le « Wozzeck » d’Alban Berg. Tous deux composés à partir d'œuvres de Georg Büchner, ils traitent à des degrés divers de la dégradation de l’univers mental, celui du soldat Wozzeck chez Berg, celui du poète romantique letton Lenz chez Rihm. Mais pour Wozzeck il s’agit de la perte de la raison sous l’effet de la pression de ses supérieurs et de la société, alors que pour Lenz on est dans une folie avérée, une schizophrénie dont on suit les stades évolutifs.

Rihm a repris le schéma très cinématographique que Berg avait inventé pour « Wozzeck », à savoir une structure en tableaux qui s’enchaînent rapidement et se fondent parfois à l’aide d’intervalles musicaux. La force du spectacle est à la hauteur de celle de la musique. Le baryton Georg Nigl, comédien exceptionnel et interprète privilégié du rôle-titre, est bouleversant. Tout comme les deux autres protagonistes : Henry Waddington (Oberlin) et John Graham-Hall (Kaufmann). Franck Ollu dirige l’Orchestre de La Monnaie avec exaltation et angoisse. Ce film signé Myriam Hoyer est ainsi un des DVD majeurs de l’année (1 DVD Alpha Classics/Outhere).

Un transfert malheureux

« Pelléas et Mélisande » de Debussy n’est pas en manque de versions vidéographiques. Bel Air Classiques, qui a déjà publié la saison passée la mise en scène de Benjamin Lazar à l’Opéra de Malmö (1 DVD + 1 BR Disc), a aussi filmé en 2016 à l’Opéra de Zürich celle signée par le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov.

Dès les premières scènes, on est séduit par le traitement qu’applique le trublion russe au symbolisme de Maeterlinck. En faisant éclater ses oripeaux, certains des symboles deviennent d’une clarté lumineuse. Tcherniakov traite la liaison de Golaud et Mélisande comme le transfert malheureux d’un psychanalyste pour sa patiente, le tout dans un intérieur bourgeois contemporain (magnifique scénographie et costumes dessinés au cordeau).

Mais, comme souvent, le projet ne tient pas la route jusqu’au bout. Quand le drame s’épaissit, le metteur en scène ne peut prendre l’action qu'au pied de la lettre. C’est déjà pas mal et c’est certainement une de ses plus brillantes tentatives d’explication d’un livret à forte résonance psychologique.

Musicalement, le niveau est excellent, avec la direction très dramatique et colorée d’Alain Altinoglu. Hormis les interprètes de Golaud et Arkel, dont la prosodie française laisse à désirer, l’ensemble est très bon, avec Yvonne Naef en Geneviève, le premier Pelléas de Jacques Imbrailo (qui a été à Glyndebourne et ailleurs un excellent Billy Budd) et Corinne Winters, parfaite pour cette option de Mélisande plus fantasmée que vécue (1 DVD, 1 BRD BelAir Classiques).

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin