Chronique de notre temps

Il faut aller jusqu’à la Cartoucherie pour déguster deux spectacles originaux. L’adaptation, par le metteur en scène Claude Bonin, d’un texte rugueux et sensuel de l’écrivain islandais contemporain Bergsveinn Birgisson, « la Lettre à Helga », dans une traduction de Catherine Eyjolfsson. Portée par le comédien sensible qu’est Roland Depauw, accompagné d’un musicien-bruiteur, Nicolas Perrin, dans un décor et un travail vidéo en harmonie, ce moment est étrange, hors du temps, comme venant d’un monde très archaïque.

C’est tout le contraire avec Ödon von Horvath, dont la pièce, fable colorée, tendre avec les personnages du peuple, parle de 1933, mais semble parler complètement de notre temps. « Allers-Retours », c’est l’histoire d’un homme que l’on expulse d’un pays où il vit depuis qu’il est bébé. Il est né de l’autre côté du pont. Il était quincaillier. Mais un pharmacien a causé sa faillite. Personne ne veut plus de lui…

Horvath donne vie à un ensemble de personnages merveilleusement attachants, même les trafiquants. Huit comédiens incarnent ce petit monde, parfois en jouant plusieurs figures. Traduit par Henri Christophe, donné dans un espace vaste, peuplé de quelques éléments scéniques, le texte est merveilleusement poétique et éloquent, gentiment féroce, d’une lucidité profonde. Les interprètes savent chanter, jouer, danser. Ils sont excellents, et le metteur en scène Alain Batis confirme toutes ses exceptionnelles qualités. Un des meilleurs spectacles à l’affiche actuellement.

Théâtre de l’Épée de Bois à la Cartoucherie

« La Lettre à Helga », jusqu'au 22 décembre, du lundi au samedi 20 h 30, samedi 16 heures. Durée 1 h 30.

« Allers-retours », jusqu’au 23 décembre, du jeudi au samedi 20 h 30, samedi et dimanche 16 heures. Durée 1 h 50.

Tél. 01.48.08.39.74, www.epeedebois.com