UNE PLUME alerte, un style agréable, Jean Sévillia tient de près ses dossiers. On le suit volontiers lorsqu’il reprend la problématique du Jésus de l’Histoire et de celui de la foi. Pas totalement, pourtant. Il est amené à contester Frédéric Lenoir, auteur à succès qui « nie la nature divine du Christ ». Il lui oppose le prêtre Bernard Sesboué et l’histoire de la foi sous la forme suivante : « Dès l’époque apostolique, les chrétiens ont cru que Jésus était fils de Dieu et donc Dieu au sens fort de ce terme. » Or, en quoi le prisme sociologique qui fait que des milliers adhèrent à une croyance prouve-t-il quoi que ce soit ? Qui écrirait sans rire que le soleil est bien Dieu puisque des milliers d’Aztèques le crurent ?
C’est bien menés par un brillant conteur, en revanche, que nous adhérons à sa critique des émissions de Mordillat et Prieur sur les origines du christianisme et de leur structure plus que discutable. On trouvera par ailleurs qu’il reprend de manière convaincante la polémique autour de ce que l’Occident médiéval doit aux Arabes et le lynchage universitaire dont fut victime l’historien médiéviste Sylvain Gouguenheim à cette occasion.
Beaucoup plus brûlante est l’affaire du « Vatican contre Hitler ». On aura garde de faire à Jean Sévillia des procès d’intention, mais certaines de ses thèses nous ont heurté. « Hitler est une canaille indigne, pensait Pacelli. Pie XII (le même devenu pape) ne pense pas autrement. Mais il est tenu par sa fonction. » L’argument semble mince, tant ce que pense un pape ne semble guère suffisant lorsqu’on attend des actes clairs.
Présupposés.
Dans son chapitre sur la deuxième guerre mondiale, l’auteur analyse longuement les origines et la nature de la Shoah. Refusant d’extraire l’événement de son contexte et la relecture rétrospective, il inscrit profondément Auschwitz dans un réseau causal très méthodique. Mais à trop rendre rationnelle l’horreur, on la dissout, on la banalise en un massacre qui n’est que quantitativement « supérieur » aux autres.
Par ailleurs, l’auteur est-il sûr que Klaus Barbie n’était, lors de son procès, qu’un « vieillard » ayant exercé des « fonctions subalternes » ? Appellation un peu manipulatrice pour le chef de la Gestapo de Lyon, qui n’a pas toujours été vieux...
Il faudrait une page entière du « Quotidien » pour bien discuter les thèses de Jean Sévillia. La vraie question qui vient nous tarauder, le livre refermé, serait celle-ci : l’auteur est-il si « in »-correct que cela ?
À propos du problème de l’historicité des Évangiles, Jean Sévilla écrit que ce débat « dévoile vite les présupposés philosophiques ou idéologiques de ceux qui s’opposent à l’interprétation traditionnelle des textes ». Est-ce à dire que ces présupposés n’existent pas chez celui dont toutes les analyses consistent à défendre la foi chrétienne, l’institution cléricale et la politique vaticane ?
« Pourquoi accorder à Platon, passeur de Socrate, ce qu’on refuse aux évangélistes, passeurs de Jésus », questionne ingénument Sévillia. Parce qu’il y a une différence entre évoquer un brave dialecticien (attesté également par d’autres que Platon) et un faiseur de miracles présenté comme fils de Dieu. Toute croyance est respectable, mais elle demeure une croyance, y compris quia absurdum. En se posant en s’opposant, en face des « autres », le concepteur de ce livre apparaît comme le symétrique inversé justifiant systématiquement ses présupposés de foi. On appelle cela l’Idéologie, la logique d’une idée.
Jean Sévillia, « Historiquement incorrect », Fayard, 336 p., 20 euros.
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