Questions sur un visage
Agrégé d’histoire, docteur en histoire de l’art, maître de conférences à Amiens, Paul Ardenne publie, après « la Halte » et « Nouvel Age », un roman qui met en scène une question fondamentale : que faire de l’anormal ? « Sans visage » (1) est l’histoire d’une femme que l’on a retrouvée morte sans peau sur la face. Loin d’être un roman policier, le livre oscille entre la fable et l’écrit fantastique. Voilà donc celle que l’on appelait Marie-Saintes, de son vrai nom Maria Rosales, une Espagnole, fille de militants républicains et qui change de nom pour devenir une vraie Charentaise, son pays d’adoption. Est-ce la nature qui lui a donné un visage radieux, qui ne vieillit pas, ou bien sa démarche pour accéder à une sorte de bienfaisance universelle? Un visage en tous les cas convoité et insupportable dans une réalité où tout s’altère.
Au fil des ans
Daniel Pennac est un écrivain ludique et pédagogue, qui s’est installé dans la Série noire avec sa tétralogie des Malaussène et dans le rayon des enfants, avec notamment cinq titres autour du jeune héros Kamo, et qui a publié plusieurs essais sur l’éducation – il a été enseignant au collège puis au lycée de 1969 à 1995 –, dont « Chagrin d’école », prix Renaudot en 2007, et son fameux essai sur la lecture, « Comme un roman ».
Il donne aujourd’hui son « Journal d’un corps » (2), non pas le sien mais celui d’un homme qui n’a cessé de le regarder et de le décrire depuis qu’il a 12 ans, en septembre 1936, jusqu’à la veille de sa mort à 87 ans, en octobre 2010. Contre toute évidence, son propos n’est pas d’en détailler et déplorer l’usure mais, sans négliger les inéluctables et déplorables effets du vieillissement, de saluer l’étonnante vitalité du corps, qui se manifeste sous d’innombrables formes.
Inutile de préciser que Daniel Pennac ne se limite pas aux apparences et à ce qu’il est bienséant de montrer ; il s’intéresse au contraire à toutes les manifestations du corps habituellement réprimées ou cachées et à toutes les possibilités de plaisir et de volupté qu’il offre, sans tabou ni complexe. Présenté hors de tout contexte social, politique et historique, le corps célébré ici est presque un corps spirituel, et au bout du compte on se rend compte que la chair n’est que ce que nous en faisons.
Retour à la nature
Il n’est pas sûr que les non-cavaliers, qui n’ont jamais eu l’occasion de goûter les sensations de chevaucher, aient envie de découvrir le premier roman de Stéphanie Le Bail, présenté comme une tragédie aux relents de conte philosophique. Et pourtant.
L’intrigue d’« Un seul corps » (3) repose sur une double disparition, celle d’une jeune fille de 17 ans et du cheval qu’elle possède depuis l’enfance. La famille est éplorée, surtout la mère, d’autant plus qu’Emie, gravement malade, risque de mourir sans ses médicaments. Les policiers mènent l’enquête et interrogent, en particulier Roger, le palefrenier. C’est un arbre, le grand cèdre bleu planté devant la demeure familiale, qui raconte l’histoire.
L’histoire d’une entente immédiate entre une enfant et un animal qui s’est renforcée au fil du temps, d’une passion qui s’est muée en religion avec ses divinités, ses tabous et ses rites. Artiste, musicienne et surtout cavalière de dressage qui monte le plus souvent à cru, Stéphanie Le Bail nous initie à l’univers du cheval et, au-delà, elle interroge la part de sauvagerie que l’on porte en nous, n’hésitant pas ici encore à braver les tabous.
Secrets de femmes
Sorti il y a deux ans, « Corps » (4), de Fabienne Jacob, reparaît en poche. Monika travaille dans le petit institut de beauté d’une ville en voie d’extinction et elle écoute les femmes qui, en même temps qu’elles se déshabillent, dévoilent parfois des secrets enfouis. Tandis que des morceaux de chair se découvrent – corps dénaturés souvent – sont évoqués des fragments de vie, de pauvres petites histoires qui parfois croisent la grande Histoire.
(1) Grasset, 165 p., 14 euros.
(2) Gallimard, 400 p., 22 euros.
(3) Éditions du Rocher, 132 p., 15 euros.
(4) Gallimard/Folio, 114 p., 4,8 euros.
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