LORSQU’UN LAURÉAT du Goncourt, Patrick Chamoiseau (« Texaco », en 1992), signe dans la collection « Vendredi 13 », on ne sait qu’apprécier d’abord, de la confession d’un tueur sans merci ou de la qualité d’écriture. « Hypérion victimaire » (1) est le face-à-face d’un tueur en série qui débarrasse la terre des méchants en leur infligeant des sévices barbares, et d’un commandant de police à la veille de la retraite qui espère renouer avec sa fille qu’il a trop longtemps délaissée. Une confrontation au sommet sur fond de Fort-de-France et d’une jeunesse martiniquaise en proie au désœuvrement et à l’alcool. Et une intrigue qui évolue vers un suspense croissant.
Dans la même collection, l’Espagnole Mercedes Deambrosis (« Un après-midi avec Rock Hudson ») brosse, sous la forme d’un roman noir, le portrait d’une génération de laissés pour compte. « Le Dernier des treize » (2) est l’histoire de 13 adolescents idéalistes qui, un soir de soûlerie, engagent un tueur chargé de les exécuter s’ils venaient à trahir un jour leurs idéaux. À l’approche de la cinquantaine, ils ne se revoient plus qu’aux enterrements : chaque treizième lune, l’un d’eux est assassiné. Un compte à rebours qui prend la forme d’un compte d’âmes humaines, des héros résignés, un suspense éprouvant.
Fiction et réalité.
Plusieurs fois, la fiction et la réalité se confondent. Il en est ainsi de « Vie et mort de Paul Gény » (3) de l’historien Philippe Artières. Après avoir découvert qu’un de ses grands-oncles, jésuite, a été assassiné en pleine rue par un soldat fou, le 12 octobre 1925 à Rome, l’auteur est allé dans les pas de l’assassin, dans une prison, un hôpital, des archives et des dossiers médicaux. Il devient ainsi le biographe romancier de cet homme, de sa victime et d’autres figures de ce drame replacé dans son cadre historique de l’Italie fasciste des années 1920-1930.
Hélène Jégado est considérée comme la plus grande serial killer de France et peut-être du monde entier. Elle a été guillotinée le 26 février 1852. C’est Jean Teulé (auteur de 14 romans, parmi lesquels « Je, François Villon » ou « le Magasin des suicides »), qui raconte, dans « Fleur de tonnerre » (4), l’histoire d’une enfant bercée par les légendes bretonnes et qui s’est persuadée qu’elle était l’incarnation de l’Ankou, l’ouvrier de la mort, chargée d’éliminer tous ceux qui se trouveraient sur sa route.
De son nouveau roman, « l’Expatriée » (5), Elsa Marpeau (« les Yeux des morts ») assure qu’il s’agit d’une « authentique autobiographie ». Elsa, qui a suivi son mari à Singapour, devient la maîtresse du nouveau Français de la résidence où elle s’ennuie, qu’elle baptise « l’Arabe blond » ; deux mois plus tard, elle sera suspectée de l’avoir assassiné de plusieurs coups de couteau. Au-delà d’une intrigue prenante et déroutante jusqu’au final (« Certains événements du livre sont fictifs, mais les sentiments sont si véritables que cela n’importe pas »), on apprécie sa description de l’expatriation avec sa violence feutrée de femmes matériellement privilégiées mais dénuées de statut social et les rapports de domination à tous les niveaux.
La romancière et dramaturge argentine Claudia Pineiro (« les Veuves du jeudi ») nous entraîne également dans un lieu protégé, un country-club ultrachic où un homme vient d’être retrouvé la gorge tranchée. Dans « Bétibou » (6), deux journalistes, un vétéran et un débutant, et une ex-écrivain qui a été la maîtresse du rédacteur en chef, sont envoyés pour écrire la chronique de ce fait-divers qui est le prélude à d’autres meurtres. Les étapes de l’enquête sont prétexte à une étude sans merci sur les forces en présence dans la société argentine contemporaine : corruption, médias aux mains des politiques, suprématie de l’argent.
Originaire d’Australie, Helen FitzGerald situe l’action du « Don » (7) en Écosse, où elle vit actuellement. Son roman est un étonnant mélange de suspense psychologique et d’humour noir. Antihéros par excellence, Will a la charge de ses deux filles après que leur mère les a abandonnées. Lorsque les jumelles développent chacune une insuffisance rénale, il compte sur leur génitrice mais la retrouve toujours flanquée de son amant, aussi drogué qu’elle. Désespéré, le gentil Will va alors agir pour la première fois de sa vie, et nous surprendre.
Jérôme Fansten poursuit sur sa lancée et creuse son univers très noir. Après « les Chiens du paradis », il nous donne en pâture « les Chiens du purgatoire » (8), qui plonge dans le quotidien de la police et en dévoile des dessous pas très propres. Le roman est à deux voix : celle d’un chroniqueur judiciaire qui va jusqu’à organiser des visites de scènes de crime pour les amateurs de sang chaud ; et celle d’un flic ambigu, brutal mais efficace, aux ordres mais qui n’en pense pas moins. Une fiction étayée par des coupures de presse qui confirment que la vie est un roman !
(1) ELB éditions, 317 p., 15 euros.
(2) ELB éditions, 285 p., 15 euros.
(3) Seuil, 217 p., 19 euros.
(4) Julliard, 282 p., 20 euros.
(5) Gallimard, 258 p., 17,90 euros.
(6) Actes Sud, 396 p., 23,50 euros.
(7) Belfond, 314 p., 17,50 euros.
(8) Anne Carrière, 373 p., 19,50 euros.
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