Au théâtre, « La Locandiera », de Goldoni

Dans les lumières d'automne

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Publié le 08/11/2018
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Théâtre-La Locandiera

Théâtre-La Locandiera
Crédit photo : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

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Crédit photo : CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Une mise en scène est un organisme vivant. Et l’on ne peut pas voir « la Locandiera » de Carlo Goldoni, salle Richelieu, à la Comédie-Française, sans revenir aux circonstances dans lesquelles ce spectacle est né. Car, on ne peut s’interdire de le penser, les premières représentations de cette « Locandiera » sont marquées par deux événements dont la trace, pour le moment, ne peut s’effacer.

La nouvelle traduction de Myriam Tanant est précise et belle, riche, savoureuse, fidèle. C’est le dernier travail de cette grande femme d’esprit, universitaire et femme de théâtre, que Giorgio Strehler avait choisie comme assistante. Myriam Tanant a été vaincue par la maladie.

D’autre part, le spectacle, qui devait être créé avant l’été, a été victime de la grève des machinistes. Il a été programmé à la place d'« Angels in America », que l’on ne verra que la saison prochaine. Du coup, le spectacle s’est un peu distendu, assourdi (mais il dure à peine deux heures) et pour le recomposer, avec le travail qu’assume la troupe de la Comédie-Française, il n’a pas été très facile de répéter longuement.

Cela peut expliquer le sentiment qu’ont certains spectateurs d’un flottement. Or cette « Locandiera » est remarquable. Par sa tenue, sa sobriété, son intelligence, sa distribution équilibrée, intelligente, chaque personnage ayant rencontré un interprète idéal. Alain Françon donne du rythme à la représentation. Les costumes de Renato Bianchi, le décor de Jacques Gabel, les lumières de Joël Hourbeigt, la musique, le son, ici tout est fin, subtil, délicat.

Tous les comédiens sont excellents et si l’on ne peut tous les citer, saluons la belle et féministe Mirandolina de Florence Viala, énergique mais lucide – elle sait qu’elle est prisonnière et s’offre quelque chose comme une dernière joie face au Chevalier de Stéphane Varupenne. Il est rigide au premier regard, mais si vulnérable. Formidable Varupenne ! Les cocasses figures portées par Michel Vuillermoz et Hervé Pierre, vrai aristo ruiné, nouveau riche, sont magnifiées par le jeu. Les pauvres et jolies comédiennes, Coraly Zahonéro et Françoise Gillard ou Clotilde de Bayser, en alternance, disent combien Goldoni célèbre ici le jeu. D’ailleurs, Mirandolina est une metteuse en scène et le valet d’auberge, l’immense Laurent Stocker, le comprend.

Tout est haut et profond, ici. Un grand classique. Du plaisir et de la mélancolie…

 

 

 

Comédie-Française, en alternance jusqu'au 10 février. Durée 2 heures. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9700