On ne parle plus d'Antoine Sénanque comme d'un neurologue qui s'est imposé avec des romans d'inspiration médicale (« Blouse » ou « la Grande Garde », prix Jean Bernard 2007), mais comme d'un écrivain multifacettes, qui passe de la comédie (« l'Ami de jeunesse », « Salut Marie ») à l'aventure, comme le prouve son nouveau roman « Jonathan Weakshield » (1).
Weakshield est un caïd de la pègre, surnommé pour sa cruauté le « loup du Seven Dials », un quartier redouté des bas-fonds de Londres à la fin du XIXe siècle. On le croyait mort, mais une enquête est rouverte. Elle conduit un inspecteur de Scotland Yard et deux journalistes sur les traces du truand et de son passé, en Europe et dans l'océan Indien. On découvre son enfance pendant la Grande Famine qui sévit en Irlande entre 1845 et 1852 ; son irrésistible ascension à la droite du Viking, nain sanguinaire et chef des gangs de la capitale, puis sa déchéance ; son histoire d'amour secrète.
Antoine Sénanque nous emporte dans une épopée faite de misères et de grandeur avec une authentique figure de desperado, un homme de caractère durci par les événements, un truand, certes, mais qui, dans la mouvance d'une époque qui passe à l'ère industrielle, incarne les valeurs premières d'amitié, de loyauté et d'amour. Un récit fort et sensible à la fois.
Mystère littéraire
Auteur de quatorze romans (« Charlotte » a obtenu le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens en 2014), David Foenkinos se penche dans « le Mystère Henri Pick » (2) sur le destin d'un livre et de son auteur. Tout commence dans le Finistère, où une jeune éditrice, mariée avec un écrivain sans succès, découvre dans une improbable « bibliothèque des livres refusés » le manuscrit d'un inconnu, Henri Pick, mort deux ans auparavant. Le livre est un best-seller dès sa publication, mais un journaliste doute qu'Henri Pick en soit vraiment l'auteur. Le lecteur doute aussi. David Foenkinos, qui mêle des personnages et des lieux réels à d'autres inventés, nous égare avec adresse dans plusieurs directions avant de révéler la vérité. Assez longtemps pour dénoncer les petits arrangements du monde de l'édition et plus généralement notre société de leurres et de faux-semblant, où la forme l'emporte sur le fond. Un polar littéraire qui nous concerne tous.
On se souvient (« le Juge et l'Assassin » de Bertrand Tavernier, avec Michel Galabru, y aidant) de Joseph Vacher qui, après son arrestation en 1897, avoua les meurtres, précédés et suivis d'actes de barbarie, de douze jeunes bergers et bergères, tandis que l'instruction lui en attribua une trentaine. Dans « Vacher l’Éventreur » (3), Régis Descott (qui a témoigné l'année dernière, avec le Dr Bodon-Bruzel, du quotidien du service de psychiatrie de Fresnes dans « l'Homme qui voulait cuire sa mère ») revient sur ce personnage d'une manière très originale. Il a choisi de s'effacer derrière les documents d'archives (reportages des journaux, correspondances de l'accusé et des magistrats, extraits de procès-verbaux…) pour donner, en un savant montage, un portrait inédit, pas pour autant adouci, du tueur en série.
La défense du patrimoine
Scénariste, dramaturge et romancier (« la Pensionnaire » a reçu en 2014 le prix du roman populaire), Olivier Dutaillis nous entraîne, dans « Une aventure monumentale » (4), sur les traces de Prosper Mérimée, qui vient d'être nommé Inspecteur général des Monuments historiques. En 1834, le jeune écrivain est chargé de recenser à lui seul tous les monuments français ainsi que les chefs-d’œuvre qu'ils contiennent ! Notre guide est Emily Dingham, une antiquaire anglaise avide de nos richesses. Son parcours rencontre ceux d'autres défenseurs du patrimoine, tels l'architecte Viollet-le-Duc et bien sûr Victor Hugo. En mêlant aux faits réels – comme les grands chantiers de restauration de Notre-Dame-de-Paris, Vézelay, le pont du Gard, Carcassonne – le point de vue d'un personnage de fiction, l'auteur témoigne, avec humour et érudition, du combat d'un homme qui a fait de la France la première destination touristique du monde.
François-Joseph Talma a été l'acteur le plus prestigieux de son époque. Isabelle Siac, qui est psychologue, le met en scène avec ses compagnons de la Comédie-Française au moment de la Révolution, alors qu'ils jouent de leur influence en s'efforçant de ne pas être l'otage du Pouvoir. Dans « le Talent ou la Vertu » (5), le spectacle n'est pas seulement sur scène mais aussi dans la salle, à l'Assemblée et dans la rue tandis que Mirabeau, Danton ou Robespierre laissent la place aux Comédiens-Français. La Révolution française portée par les artistes.
« Vie et œuvre de Constantin Erod » (6), le premier roman de Julien Donadille, attire l'attention sur un personnage également mystérieux. Alors qu'il était attaché culturel à l'ambassade de France à Rome, au milieu des années 1990, le narrateur est devenu l'ami du prince héritier de Slovanie (?) en exil, Constantin Erod. Une amitié qui a pris fin lorsque, devenu le roi Constantin XIV au prix d'horribles exactions, ce dernier finit par être condamné à la prison à vie par le Tribunal pénal international. À sa mort, quinze ans plus tard, le narrateur apprend que l'ex-roi lui a légué un coffre rempli de dossiers. Un roman où tout est subtilement faux ou décalé et qui cependant dévoile les dessous de Rome et de la diplomatie avec clarté.
(1) Grasset, 390 p., 20 €.
(2) Gallimard, 286 p., 19,50 €.
(3) Grasset, 274 p., 19 €.
(4) Albin Michel, 342 p., 19,90 €.
(5) Belfond, 522 p., 20 €.
(6) Grasset, 318 p., 19 €.
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