IDEES - Sélection naturelle

Darwin omniprésent

Publié le 03/04/2012
Article réservé aux abonnés
1333415946337691_IMG_81105_HR.jpg

1333415946337691_IMG_81105_HR.jpg

LES « IDÉES » peuvent jaillir des sauterelles, chauve-souris ou gentils papillons. Ici nous est contée l’histoire de la phalène du bouleau, papillon gris bien camouflé sur les troncs gris. Quelques variants noirs apparaissent, mutants qui se font hélas repérer par les oiseaux. Ils ont une espérance de vie plus courte et se reproduisent moins.

Arrive la révolution industrielle, et la pollution qui l’accompagne. Ce sont les noirs qui sont camouflés et les gris qui se font repérer par les oiseaux et se reproduisent moins.

On voit tout ce que comporte ce simple exemple. On y trouve l’importance de la variation. Ici, un changement de couleur détermine la sélection naturelle. Le deuxième élément est la transmission de cette variation à la génération suivante. Une transmission qui n’est pas recopiage à l’identique et dans laquelle intervient le mécanisme compliqué de l’ADN. Ajoutons le rôle de la transmission dans le nombre de descendants. Enfin, last but not least, l’influence du milieu.

Adaptation.

La variation peut concerner, outre la couleur, la taille, la longueur des poils ou des griffes. Michel Raymond donne beaucoup d’exemples saisissants dans lesquels l’orientation d’un bec ou d’une bouche de poisson facilite l’attaque ou la rend difficile, permettant ou non la survie, partant l’adaptation.

Un simple mot, adaptation, qui permet la rêverie, ou en tout cas l’extrapolation métaphysique. Les animaux possèdent parfois dans leur corps tous les secrets de la technologie. Les chauve-souris ont un dispositif d’écholocalisation, elles interprètent les ultrasons. Et il n’y a pas si longtemps que l’homme a inventé le radar. « Disséquez n’importe quel organisme vivant : vous y observerez une machinerie bien plus complexe qu’un mécanisme d’horlogerie », dit l’auteur.

Extrapolation, disions-nous, en direction d’un plan de l’Univers, d’un grand Architecte qui a si bien pensé toute chose... Pas tant que ça, s’il y a des organes devenus inutiles qui permanent et des mauvais plans de montage. Ainsi, dans l’œil des vertébrés, les récepteurs se trouvent du mauvais côté de la rétine.

Dans ce livre qui fourmillent d’étonnants exemples, on peut s’étonner de voir l’auteur sauter le pas du biologique au culturel. On peut bien sûr prendre cette idée au sens d’une variation acquise devenue pratique socioculturelle. Les sherpas ne sont pas affectés par une augmentation du nombre de globules rouges lié à l’altitude, rien d’étonnant à ce qu’ils deviennent d’excellents guides pour l’escalade de l’Everest.

Mais il n’y a pas de gène d’adaptation à la pratique des mathématiques. L’acquis culturel ne se transmet pas à la descendance, il faut à chaque génération recommencer. Simplement, certains terroirs sociaux sont meilleurs que d’autres, on le sait.

Michel Raymond, « Pourquoi je n’ai pas inventé la roue - Et autres surprises de la sélection naturelle », Odile Jacob Sciences, 190 p., 20,90 euros.

* Institut des sciences de l’évolution de Montpellier.

ANDRÉ MASSE-STAMBERGER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9109