Les gens célèbres comme les anonymes ont des liens inattendus avec l'Afrique. Ainsi de Michel Field, journaliste, auteur d'une quinzaine de romans et d'essais et bien sûr Directeur de l'information sur France Télévisions, qui raconte dans un court roman au long titre, « le Vieux Blanc d'Abidjan dans sa prison de Yopougon » (1), comment, en juillet 1984, il a passé dix folles journées dans la capitale de la Côte d'Ivoire afin d'être reçu par le président Félix Houphouët-Boigny et d'obtenir qu'une date de procès soit enfin fixée pour son père incarcéré depuis des mois. À 70 ans, ce dernier était accusé d'avoir détourné plusieurs milliards de francs CFA.
Dans ce récit d'une course contre la montre pour un rendez-vous sans cesse reporté, se mêlent des passages assez dramatiques, d'un homme âgé, injustement accusé, contraint de partager sa cellule avec cinq autres détenus, et des passages plutôt drolatiques, lorsqu'on voit comment le papa, pas vraiment anéanti mais excédé, a pris les rênes du pénitencier et est devenu le précieux adjoint du directeur…
Sur un père
Laetitia Laurelli n'est pas une écrivaine et « la Métisse bien-aimée » (2) risque d'être son unique ouvrage. Ce beau livre sincère, écrit du fond du cœur dans le but de rendre hommage à son père, Jean-Pierre Guidicelli, dévoile une histoire qui n'est pas banale. Celle d'un jeune Corse qui s'est engagé dans la coloniale en 1934 et qui, affecté dans une unité de méharistes au Tchad, est tombé amoureux d'une nomade. Le coup de foudre s'est concrétisé par un mariage et la naissance de Laetitia en 1937. Leur bonheur a tourné court avec la guerre, l'enfant étant confié à son grand-père Mohamed Abdelkader. Jean-Pierre Guidicelli n'est revenu au Tchad qu'en 1949, mais jamais il n'a abandonné sa fille : il l'a emmenée à Fort-Lamy, puis dans sa famille à Bastia, avant qu'elle décide de venir à Paris… pour y rencontrer son futur mari, Cyprien Laurelli, le fils du député de Saint-Pierre-et-Miquelon (qui a par la suite joué un rôle important dans le domaine socio-éducatif du Xe arrondissement de Paris). Si Laetitia Laurelli regrette de n'avoir pas été plus proche de son père pendant sa jeunesse, elle évoque avec tendresse et reconnaissance, dans ce témoignage écrit simplement et éclairé par des photographies personnelles, sa vie dans sa tribu des Toubous et les attraits du désert. Enfant des sables et fille du vent elle est restée.
Retour en Côte d'Ivoire avec Vincent Hein – qui y a passé une partie de son enfance – et « les Flamboyants d'Abidjan » (3). S'il vit en Chine depuis une douzaine d'années, l'auteur n'a rien oublié de sa découverte de l'Afrique à l'âge de 8 ans. Son père, qui dirigeait à l'époque une entreprise de travaux publics, aimait la Côte d'Ivoire ; sa mère s'ennuyait et voulait rentrer au plus tôt. Lui se souvient des odeurs, des lumières, des paysages et de chaque lieu qu'il a traversé, mais aussi d'Emmanuel et d'Yvonne, qui étaient au service de la famille et qui lui ont tant apporté.
« Rivière fantôme » (4), le premier roman de Dominique Botha, a obtenu d'emblée cinq prix littéraires. Écrit à la première personne, c'est le récit, par sa sœur, de la vie et de la mort de Paul Botha, un jeune homme sensible qui refusait l'ordre établi, qui a sombré dans la drogue et s'est suicidé à 27 ans. Au-delà de l'autodestruction programmée d'un grand frère aimé et admiré, l'auteure déploie la mémoire et l'histoire d'une famille d'éleveurs installés dans le Free State, la province centrale d'Afrique du Sud, à la fin des années 1980, alors que le pays était en passe de devenir enfin égalitaire. Fondamentalement progressistes, ses parents ont toujours lutté contre l'apartheid et se sont battus au quotidien pour l'égalité entre les noirs et les blancs ; dans le même temps, forts de règles morales ancestrales, ils se sont montrés durs avec leur fils rebelle et l'ont condamné. Toujours tiraillée, Dominique Botha porte un regard subtil sur cette apparente contradiction entre un engagement politique libéral et une incapacité à admettre la différence dans sa propre famille.
Guerre et meurtres
La narratrice du « Train d'Alger » (5), de Béatrice Fontanel, est en proie à une anxiété perpétuelle, qu'elle « enfile tous les matins à la manière d'une paire de chaussettes ». Son premier souvenir est le bruit de l'explosion qui a fait dérailler le train, miné par des explosifs du FLN, dans lequel elle voyageait avec sa mère lorsqu'elle avait 3 ans. Plus de cinquante années ont passé, la guerre d'Algérie est toujours présente dans son esprit. En de courts chapitres qui sont autant de facettes parfois anecdotiques mais oh combien évocatrices, elle accumule les images, les faits, les témoignages, vus, entendus ou lus, qui brossent un tableau avant, pendant et après les événements, entre réalisme et fantasmagorie. Tandis qu'elle accompagne ses parents vieillissants, qui se réfugient, comme elle, dans une douce folie.
L'Afrique est aussi présente dans deux thrillers qui s'appuient sur l'actualité. Parker Bilal est le pseudonyme d'un auteur anglo-soudanais de romans non policiers (Jamal Mahjoub) et « Meurtres rituels à Imbaba » (6) est le deuxième récit d'un cycle qu'il consacre aux enquêtes de Makana. Après que des meurtres sanglants d'enfants des rues ont secoué la ville et que la minorité copte est désignée comme bouc émissaire à la vindicte populaire, le privé démêle les liens ambigus qui unissent la police secrète et les intégristes. Un portrait sans complaisance de l’Égypte à la veille des attentats du 11 septembre 2001, où la soif d'argent et de pouvoir est à l'origine de complots politico-religieux.
Mark Zellweger, qui a travaillé auprès de services secrets pendant de longues années, est sur tous les fronts dans sa série « Réseau Ambassador » (« l'Envol des Faucons » et « Panique au Vatican »), où œuvre le Sword, un service de renseignements indépendant, qu'il a imaginé. L'action de « Double jeu » (7) se partage ainsi entre la Syrie et l'Ukraine, où le service agit à la demande de l'ONU, et la République démocratique du Congo, où un des as du Sword est dépêché pour aider MSF à comprendre les raisons de malformations crâniennes et neurologiques constatées chez des populations du Kivu et du Katanga.
(1) Julliard, 140 p., 16 €.
(2) 7écrit Éditions, 202 p., 18,90 €.
(3) Stock, 155 p., 17 €.
(4) Actes Sud, 299 p., 22 €.
(5) Stock, 238 p., 18,50 €.
(6) Seuil, 398 p., 21,50 €.
(7) Eaux Troubles Éditions, 312 p., 21 €.
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