Avignon nuit et jour

Des déceptions et quelques réussites

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Publié le 18/07/2019
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« Crocodiles »

« Crocodiles »
Crédit photo : MAT JACOB

Depuis l’ouverture du 73e festival d’Avignon, le 4 juillet, on doit reconnaître qu’aucun spectacle n’a vraiment impressionné le public. Bien sûr, on attend encore de grands artistes, et notamment le Russe Kirill Serebrennikov, qui était présent il y a trois ans et a depuis subi les foudres de son gouvernement. Il ne peut pas quitter Moscou mais il travaille et a voulu, avec « Outside » se pencher sur le sort d’un artiste comme lui victime du pouvoir, le photographe chinois Ren Hang, qui s’est suicidé il y a deux ans.

La thématique dominante place l’Europe et la Méditerranée au cœur des inspirations, avec la question des migrants et des variations à partir de « l’Iliade », « l’Odyssée », « l’Énéide ». Avec des bonheurs très inégaux. Si la Brésilienne Christiane Jatahy, en allant vers le destin de sa propre famille et jusqu’en Amazonie, réussit « le Présent qui déborde », si Maëlle Poésy signe avec intelligence « Sous d’autres cieux », on aura subi de lourds pensums qu’il vaut mieux oublier, tel « Nous l’Europe », laborieux exposé de Laurent Gaudé et Roland Auzet. La sincérité de Yacouba Konaté, qui raconte sa propre histoire dans « le Jeune Yacou », est touchante et fait écho à une proposition convaincante du off, « Crocodiles », d’après le livre de l’Italien Fabio Geda, histoire vraie d’un adolescent afghan lancé hors de son pays par sa mère. Rémi Fortin, jeune interprète, est excellent.

Y a-t-il un directeur ?

Déception profonde dès le premier soir avec « Architecture », de Pascal Rambert, qui réunit un plateau de grands comédiens et comédiennes, en vain. Déception devant le cycle de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) qui s’intitule désormais « Vive le sujet » (après « Le Sujet à vif », « Le Vif du sujet »). Quatre pièces aussi vaines que pesantes.

Il n’y a donc pas de directeur dans cette manifestation ? Personne pour dire à des artistes qui s’égarent : « Attention ! ». À la SACD, personne apparemment, mais au festival, il y a Olivier Py ! Il réussit à merveille son opérette de poche inspirée d’un conte de Grimm, « l’Amour vainqueur ». Il en signe même la musique ! Mais visiblement, cet été, il découvre à Avignon les différentes productions programmées. Même celles qu’il aurait pu voir en amont, telle celle des Chinois, dont « la Maison de thé », chef-d’œuvre de Lao She mis à la sauce d’un metteur en scène connu dans son pays Meng Jinghui, déroute profondément les spectateurs.

C’est avec un seul en scène que le festival « in » a offert jusqu’à présent son meilleur spectacle : « Phèdre ! », ou la tragédie de Racine expliquée par le très sagace François Gremaud, une conférence donnée par un comédien exceptionnel, Romain Daroles. Une heure quarante qui passe comme un souffle et apporte des rires en cascade dans une manifestation sérieuse et pontifiante.

Dépaysement

On prend donc beaucoup de temps pour le off. Avec « Final Cut », Myriam Saduis, que l’on connaît comme une metteuse en scène aiguë, raconte et joue sa propre histoire : une mère d’origine italienne qui vivait en Tunisie et qui tombe amoureuse d’un musulman. Myriam est sa fille. Elle avait 3 ans lorsque ses parents se séparèrent. Elle enquête. Audacieux, tenu, bouleversant.

Omar Porras, né en Colombie, arrivé en France en 1984, formé auprès des maîtres, (Mnouchkine, Brook) et aujourd’hui directeur d’un grand théâtre en Suisse, où il monte de magnifiques spectacles, joue un texte écrit sur mesures par Fabrice Melquiot, « Ma Colombine ». Un merveilleux moment de pur théâtre et d’émotion.

À voir encore, pour le plaisir d’une sortie hors des remparts, « Nous étions debout et nous ne le savions pas », de Catherine Zambon, mis en scène et joué par François Fehner et sa troupe, dont son épouse, Marion Bouvarel et leur fille Inès, sœur de Léa Fehner, la réalisatrice des « Ogres ». Une tribu chaleureuse et engagée qui campe sous la haute pinède du festival Villeneuve en scène, de l’autre côté du Rhône, à Villeneuve-lès-Avignon. Dans un dispositif scénique qui évoque un kiosque à musique, le public participe de bon cœur à cette traversée des conflits écologiques de la société française.

Dépaysement également, dans Avignon, en se rendant dans le jardin du Musée Vouland où Laura de Lagillardaie et Olivier Brandicourt proposent avec « Heures séculaires » un duo acrobatique aérien, sur fond d’évocation d’Erik Satie. Ils s’élancent vers 21 h 30, mais le 21 juillet, ils proposent leur délicat numéro à 7 heures du matin, comme ils l’ont fait le 14 juillet dernier, devant un public charmé.

Tous les spectacles ici évoqués seront repris à la rentrée un peu partout en France, et certains se donnent jusqu’à la fin du in (23 juillet) et du off (28 juillet).

 

www.festival-avignon.com

www.avignonleoff.com      

 


Source : Le Quotidien du médecin