Le Vietnamo-Américain Viet Thanh Nguyen (né en 1971 et exilé avec sa famille lorsqu’il avait 4 ans) a reçu le prix Edgar du meilleur premier roman et le prix Pulitzer 2016 pour « le Sympathisant » (1), qui raconte la guerre du Vietnam du point de vue d’un agent secret. L’ouvrage se place sous le signe du double : le narrateur, capitaine de l’armée du Sud-Vietnam pro-américain, est un espion au service des communistes du Nord ; il est le fils naturel d’une Vietnamienne et d’un prêtre catholique français ; il a deux vrais amis, dont l’un est également un communiste qui le cache et l’autre, incorporé dans l’armée du Sud, s’apprête à quitter le pays comme lui. Installé à Los Angeles après la chute de Saïgon en 1975, toujours contraint de ne pas se dévoiler, le sympathisant observe maintenant la société américaine et livre des informations dans des lettres codées à son ami resté au pays. Roman épique dans sa dimension historique et politique, évoquant notamment les atrocités de la guerre et ses conséquences, « le Sympathisant » est aussi et surtout un roman intimiste qui questionne sur la culpabilité, la trahison, l’identité, l’amitié…
Après avoir reçu le prix Raymond Carver pour ses nouvelles, Baird Harper prend le prétexte de la sortie de prison différée de vingt-quatre heures d’un homme incarcéré pour homicide involontaire (un accident de voiture), pour donner avec « Demain sans toi » (2) une variation subtile sur la famille. Les familles plutôt, celle du meurtrier, ex-enfant de la banlieue de Chicago, devenu un golden boy, et celle de la victime, une jeune femme très appréciée. Un récit à suspense dont les chapitres se lisent comme des nouvelles.
Hasard et accidents
Un accident de voiture dans la paisible ville de campagne de Salisbury est aussi au cœur de « Ce qu’on entend quand on écoute chanter les rivières » (3), du jeune (il a juste 30 ans) et très apprécié dramaturge anglais Barney Norris. Ici, ce sont les destins de cinq témoins qui prennent vie. Cinq hommes et femmes réunis par le seul hasard de l’existence et qui partagent, sans le savoir, le poids de la solitude. Cinq vies minuscules subitement transformées et qui parfois se croisent et parfois se lient avant de se défaire.
Récompensé en 2016 par le prix Desmond Elliot et le prix Baileys, « Hérésies glorieuses » (4), de Lisa McInerney, 36 ans, brosse un portrait à la fois poétique et cru de l’Irlande d’aujourd’hui. Avec la mort accidentelle d’un inconnu, à cause d'une femme revenue à Cork pour retrouver le fils qu’elle a été forcée d’abandonner quarante ans auparavant, c'est encore le hasard qui met en mouvement et confronte une série de personnages pris dans les étaux de la pauvreté, de la violence, de l’alcoolisme, du poids des traditions familiales et religieuses. L’ensemble mène une sarabande aussi drôle que dramatique, avec des héros pathétiquement vrais, qui, plus ils se débattent, plus ils s’enfoncent.
Lauréate du prix Mara-Cassens en Allemagne, où elle vit actuellement, pour « les Bijoux bleus » (5), l’Autrichienne Katharina Winkler, 38 ans, a réussi un roman d’une étonnante poésie sur le thème particulièrement cruel de la violence conjugale. Où l’on voit la très jeune et innocente Filiz passer de la coupe d’un père tout-puissant à celle d’un mari violent qui la roue de coups et fait de la sexualité conjugale un viol quotidien, sous le regard complice de la belle-mère. Cela se passe dans un village reculé de Turquie et la presque enfant, qui avait été émue par la beauté de Yunus, devient une martyre tout juste bonne à faire des marmots. Jusqu’au départ vers l’Autriche, le pays de tous les possibles… à condition que l’homme le décide.
Journaliste et psychologue judiciaire, Inge Schilperoord a conjugué ses spécialités pour écrire un livre troublant autour de la pédophilie, qui lui a valu le Bronze Owl, le prix du meilleur premier roman de l’année. Le personnage principal de « la Tanche » (6) est un homme qui a été jugé pour actes pédophiles et relâché faute de preuves. En prison, des professionnels lui ont appris comment ne pas se laisser déborder par ses pulsions. Or, une femme seule et sa fillette viennent de s’installer à proximité. Le récit suit le déroulement d’une catastrophe annoncée, dont on ne connaîtra le dénouement qu’à la dernière ligne. Après avoir découvert des horreurs passées et suivi les liens qui se nouent entre l’innocente gamine et le malade qui tente de se contrôler.
Selma Dabbagh, née en 1970 d’un père palestinien de Jaffa et d’une mère anglaise, a abandonné son métier d’avocate des droits de l’homme pour l’écriture. Elle se rend chaque année en Palestine et en donne, dans « Gaza dans la peau » (7), une image noire et tragique à travers la vie d’une famille « exemplaire ». Chez les Mujahed, le père a fui dans un pays du Golfe ; l’aîné des garçons a perdu sa famille et ses deux jambes dans un attentat à la voiture piégée ; le plus jeune fume des joints en attendant la bourse qui lui permettra d’étudier à Londres, tandis que sa sœur jumelle envisage de rejoindre un groupe de résistance islamique. Une fiction pour mieux appréhender l’histoire et la réalité palestiniennes.
(1) Belfond, 483 p., 23,50 €
(2) Grasset, 282 p., 19,50 €
(3) Seuil, 301 p., 20 €
(4) Joëlle Losfeld, 452 p., 23,50 €
(5) Jacqueline Chambon, 232 p., 21 €
(6) Belfond, 217 p., 21 €
(7) L'Aube, 348 p., 19,90 €
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