LIVRES - Des romans sur fond de conflit

Des guerres et des hommes

Publié le 28/01/2013
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* Ben Fountain, dont le recueil de nouvelles « Brèves rencontres avec Che Guevara » a été primé, a pris le parti de la satire dans « Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn » (1), un premier roman qui a figuré dans le palmarès des Meilleurs Livres de l’année 2012 aux États-Unis, et qui sera adapté au cinéma par Simon Beaufoy, le scénariste de « Slumdog Millionaire ».

L’histoire se déroule pendant la guerre d’Irak, le temps d’une permission accordée aux survivants d’un bref et violent accrochage. Parce que l’échauffourée a été filmée par une équipe de télévision et qu’elle tourne en boucle sur YouTube, ceux qui n’ont pas été tués participent à une « Tournée de la victoire » organisée par l’administration Bush, pour soutenir l’effort de guerre. Parmi eux, le soldat Billy Lynn, 19 ans, héros malgré lui et qui va se perdre dans le tourbillon des festivités. Le portrait à la fois drôle et déchirant d’un héros de notre temps, qui met à mal le rêve d’Amérique des Américains qui restent au pays.

* « Tous les salauds ne sont pas de Vienne » (2) est aussi un premier roman, signé Andrea Molesini, professeur de littérature comparée à l’université de Padoue. Il a remporté les plus grands prix en Italie, dont le Premio Campiello en 2011.

L’auteur nous ramène en novembre 1917, lorsque l’armée italienne recule face à l’offensive autrichienne, dans un domaine du Nord du pays réquisitionné par l’ennemi. Les Spada, qui s’arrangent de cette occupation, vont réagir en apprenant le viol de jeunes villageoises. Depuis le narrateur, un orphelin de 17 ans fasciné par une « grande » de 25 ans à la beauté provocante, jusqu’à ses grands-parents qui refusent de se laisser impressionner par la soldatesque ennemie, en passant par les gens de service et la tante, une maîtresse femme émancipée, chacun, selon son caractère et à sa manière, va résister. Un portrait de famille passionné et coloré, entre chronique de l’occupation et récit initiatique.

* Retour à l’humour et à la provocation avec Shalom Auslander, dont « l’Espoir, cette tragédie » (3) est en quelque sorte, après des Mémoires, « la Lamentation du prépuce », et des nouvelles, « Attention Dieu méchant », son premier roman, salué par la critique outre-Atlantique.

Le récit tourne également autour d’une famille, celle de Solomon Kugel, qui, pour fuir le bruit et la fureur de la Grosse Pomme, s’est installé avec mère, épouse et enfant dans une demeure perdue dans la campagne. Et voilà que Salomon découvre dans son grenier une très vieille femme très en colère et qui n’est nulle autre qu’Anne Franck ! Entre la survivante bien résolue à faire éclater toute la vérité sur son histoire, sa mère qui s’accroche à la vie « par devoir de mémoire », alors qu’elle-même n’a pas vécu l’Holocauste, et sa femme qui est toujours sur son dos, le malheureux Solomon a bien du mal à faire face. Un roman iconoclaste et irrévérencieux qui interroge sur le devoir de mémoire, la légitimité de l’art après la Shoah, et les ravages causés par l’espoir.

* Auteur d’une dizaine de romans, dont « Quatre soldats », prix Médicis en 2003, le Français Hubert Mingarelli nous met, dans « Un repas en hiver » (4), face à un cas de conscience abominable. Il le fait à travers l’impossible mission de trois soldats allemands d’une compagnie isolée en Pologne, qui n’ont comme choix que de participer à des exécutions sommaires ou de partir à la chasse au Juif, de ramener leur proie au camp et donc à la mort. Lorsqu’ils tombent sur un jeune garçon, ils s’arrêtent dans une cabane abandonnée et préparent un repas afin de retarder leur retour. Un invité inattendu s’invite à leur table, un Polonais à l’antisémitisme affiché, qui réveille chez les soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier.

* La Pologne est aussi à l’honneur dans « la Forteresse de Breslau » (5), le cinquième et dernier volet des enquêtes d’Eberhard Mock, histoires policières haut de gamme situées dans les années 1920 et 1930 et qui sont aussi un hommage à sa ville natale Breslau (ou Wroclaw), par Marek Krajewski, écrivain à plein-temps après avoir enseigné le latin.

En ce printemps 1945, dans une ville à l’agonie prête à tomber aux mains des Soviétiques, Mock, vieilli et désabusé, se lance dans une dernière enquête : trouver le responsable du viol et du meurtre d’une jeune fille, la nièce d’une comtesse, veuve d’un général condamné à mort pour avoir fomenté un attentat contre Hitler et qui est emprisonnée dans un camp à la tête duquel se trouve son ancien majordome. À l’image de la ville en ruines mais toujours debout, il va frayer son chemin vers la vérité sans épargner personne et sans s’encombrer de trop de scrupules, car, dans cet univers où tout le monde lutte pour sa survie, tout est flou et rien n’est acquis. Un roman très noir qui, comme les autres volumes du cycle, donne ses lettres de noblesse au polar historique.

(1) Albin Michel, 402 p., 22 euros.

(2) Calmann-Lévy, 356 p., 20,90 euros.

(3) Belfond, 327 p., 20 euros.

(4) Stock, 137 p., 17 euros.

(5) Gallimard, 273 p., 23 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9213