* Virginie Linhart n’a pas fini de régler ses comptes avec sa famille, plus exactement avec la génération dont elle est issue. Fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement maoïste en France, qui a écrit « l’Établi » après s’être fait embaucher en usine, elle avait témoigné du mutisme familial et politique presque complet dans lequel son père a sombré pendant plus de vingt ans tout en restant maître de conférences en sociologie à l’université Paris-VIII-Saint-Denis, ainsi que des conséquences sur la génération des enfants des années de contestation (« le Jour où mon père s’est tu », 2008). La question de la transmission est aussi au cœur de « l’Effet maternel » (1), centré cette fois sur sa mère, qui a vécu à fond l’époque de Mai 68 et les années qui ont suivi, avec le rejet de l'asservissement patriarcal et familial et les promesses de liberté sexuelle et professionnelle. L’auteure ne fait pas le procès de sa mère, elle explique comment cette femme à la beauté et au magnétisme inouïs, en faisant passer ses désirs et ses envies avant ses enfants, a altéré sa vision du monde et influé sur sa propre maternité.
* Tout aussi personnel, « Terre brûlée » (2) est le premier roman de Paula Vézac, conservatrice du patrimoine en Occitanie. Partagée entre la douleur et la culpabilité après la mort de sa mère dans l’incendie de son appartement, elle a remonté le cours de la vie de cette femme née au milieu des années 1950 dans une famille de paysans pauvres et qui a sombré comme d’autres de cette génération dans la drogue et l’alcool. En s’appuyant sur des souvenirs parfois trompeurs, des témoignages pas toujours fiables, des papiers incomplets, elle fait apparaître, au-delà de ses regrets d’une enfance malheureuse, le portrait d’une femme complexe que, pour se sauver, elle a presque abandonnée.
* L'Autrichienne Marlen Haushofer (1920-1970) a publié des contes, des nouvelles, des pièces de théâtre et des romans, dont « le Mur invisible » (1963), classique de la littérature germanique. Mère de deux enfants, elle écrivait très tôt le matin ou la nuit. Traduit pour la première fois en français depuis sa publication en 1955, « Une poignée de vies » (3) est le portrait, incroyablement moderne, d’une femme qui s’est toujours sentie incomprise, aimée pour de mauvaises raisons et délaissée pour des raisons encore plus mauvaises. Pour survivre en obéissant au principe de liberté qu’elle place au-dessus de tout, elle a dû partir en laissant son mari aimant et son enfant. Trente ans après, elle revient dans la maison où elle avait vécu avec sa famille et trouve de vieilles photos qui la replongent dans son passé.
Les méfaits du silence
* Parfois la mère n’a pas le beau rôle. Dans « Je ne veux pas être jolie » (4), elle vient de mourir après une longue maladie et sa fille, qui a attendu pendant plus de trente ans, en vain, un geste, un mot, une reconnaissance du drame qui l’a meurtrie à jamais, n’a pas envie de pleurer, mais de dire enfin la réalité du mal et le mal engendré par le silence. Comédienne et auteure de pièces de théâtre, Fabienne Périneau fait entendre la voix d’une femme qui, alors qu’elle avait 8 ans et était en vacances dans la famille de son oncle, a été abusée. Elle a aujourd’hui la quarantaine, deux enfants, un nouvel amoureux – un bonheur impossible à cause du passé. Elle a aussi un frère et une sœur qui, contrairement à sa mère, ne savaient rien. Voudront-ils savoir aujourd’hui ?
* Sujet récurrent ces derniers temps, la violence sexuelle est abordée par Alice Moine (« Faits d’hiver » et « la Femme de dos ») sous l’angle de ses répercussions sur les relations de la victime, devenue mère, avec sa fille. Alice n’a jamais pu dire l’agression ; elle a vu son couple se déliter, a perdu son travail, la garde de sa fille et toute confiance en elle-même. Pour tenter de reconquérir Charlotte, qui a maintenant 7 ans, elle l’amène à la piscine en dépit de sa peur de l’eau. Le malaise s’installe d’emblée, alors que les angoisses de la mère se heurtent aux jeux nerveux de l’enfant, qui s’impatiente d'avouer son – merveilleux – secret à elle. « Les Fluides » (5) est un roman bref, qui cerne à merveille la difficulté de prendre soin d’un enfant quand on est habité par l’horreur. Mère et fille se cherchent… et finiront par se trouver.
* Le secret est aussi au cœur de « Festin sauvage » (6), autofiction d’Adrienne Brodeur qui a figuré parmi les meilleurs livres de 2019 aux États-Unis. L’auteure se souvient comment, un été où elle était en vacances avec sa famille au Cape Cod, sa mère a fait d’elle sa confidente lorsqu’elle a entamé une liaison avec le meilleur ami de son mari, puis sa complice, lui demandant de favoriser leurs rencontres illicites ; elle avait 14 ans. C’était pour elle l’occasion de briller aux yeux de sa maman et, pensait-elle, de lui prouver son amour : « Je ne m’intéressais qu’à ce qui faisait plaisir à ma mère ; je n’avais aucun sens moral. Il me faudrait des années avant de comprendre les forces qui avaient fait d’elle ce qu’elle était et ce que j’étais devenue, des années pour reconnaître le mal que nous avions causé l’une à l’autre », écrit-elle la cinquantaine passée.
(1) Flammarion, 215 p., 19 € (2) Rouergue, 200 p., 18,80 € (3) Chambon/Actes Sud, 187 p., 19 € (4) Plon, 220 p., 18 € (5) Belfond, 103 p., 17 € (6) JC Lattès, 347 p., 21,90 €
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