Apparue dans le monde littéraire à 22 ans avec « Bianca », Loulou Robert continue de tracer un chemin très personnel. Son quatrième roman porte un titre trompeur : « Je l’aime » (1) n’est pas un roman d’amour mais un roman sur un amour tellement sans limite qu’il en devient dangereux. La narratrice a 18 ans lorsqu’elle rencontre M. et décide de « l’aimer à en crever ». On ne sait rien de lui sinon qu’il sera journaliste. Elle restera dès lors dans son ombre et se consacrera à entretenir cet amour unique qui lui permet de vivre et en même temps la détruit. À coups de phrases courtes, dans un style sans artifice et parfois sans pudeur, l’auteure décrit une passion qui dure le temps d’une vie et cela malgré les crises d’angoisse et de jalousie, la solitude, l’usure du couple, les infidélités, la maternité, la vieillesse, les cicatrices du cœur et du corps. Fait-elle envie ou bien pitié ? La chanson n’a toujours pas de réponse.
Si, dans « Corps inflammables » (2), le désir charnel est au centre du récit, il ne faut pas s’attendre à des descriptions torrides ni même suggestives. L’intérêt du récit est ailleurs. Dans le bar miteux d’un bled paumé du Delaware où une belle rousse a posé ses valises après avoir abandonné son mari, sa fille et sa vie d’avant, entre un beau brun bronzé vraisemblablement routier. Polly et Adam s’attirent et se repoussent comme deux aimants. Qui sont-ils vraiment ? L'Américaine Laura Lippman, souvent primée pour ses thrillers et romans policiers, rend ici un hommage original à son illustre aîné James M. Cain (« le Facteur sonne toujours deux fois »), usant de rebondissements inédits, distillant les indices judicieusement, entre de multiples personnages secondaires, et oscillant du passé au présent. Le suspense est là.
Amours perdues
Avec « Nobelle » (3), Sophie Fontanel, romancière et critique de mode, a écrit « une courte histoire d’amour et de littérature ». Une femme se souvient, pour son discours de réception du prix Nobel de littérature, de celui qui lui a donné envie d’écrire. Elle avait 10 ans, lui aussi, et pendant des vacances en Provence ils n’ont cessé de jouer, de s’embrasser et d’écrire. « Il était la muse et moi j’étais le poète. » Jusqu’à l’arrivée d’une certaine Magalie, très jolie et un peu délurée. Bien des années après ce premier et terrible chagrin, la lauréate prend la mesure de ce qu’un écrivain demande à l’amour.
L’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome, révélée avec « le Ventre de l’Atlantique » en 2003, signe son retour au roman après six années d’absence avec un chant d’amour et de deuil, « les Veilleurs de Sangomar » (4). S’inspirant du naufrage du ferry « Joola », qui a fait plus de 2000 morts en 2002, elle imagine qu’après la disparition de son mari bien-aimé, la jeune Coumba vit recluse chez sa belle-mère. Alors qu’elle subit le jour les rituels musulmans du veuvage en se faisant le plus discrète possible, dès la nuit tombée elle s’adresse à son amoureux pour rassembler ses souvenirs et les léguer à sa fille en même temps que calmer son chagrin ; elle invoque les veilleurs, les esprits des ancêtres et des naufragés, au risque d’être accusée de sorcellerie et de folie. Le beau portrait d’une femme qui, en pleine douleur, lutte pour conserver un espace de liberté.
« Dérive des continents », « Nord magnétique » et « Connaissance du monde » sont les trois grandes parties du troisième livre et premier roman d’Anne-Sophie Barreau, « Géographie » (5), introspection minutieuse d’un couple sur fond de destinations lointaines et variées. Lorsqu’elle rejoint son compagnon à Tananarive, où il a été affecté après Ouagadougou et San Francisco, la narratrice comprend que quelque chose ne va pas : « Nous aurions dû être heureux, nous ne l’étions pas. » Le couperet tombe vite : « J’ai une histoire avec Marguerite », une collègue de travail. De retour à Paris et dans les allers et retours vers Lille où elle a été nommée, la narratrice ne cesse d'interroger leur passé, d’arpenter la géographie de son histoire amoureuse afin de se repérer dans ce temps du chagrin amoureux, jusqu’à ce qu’une vérité affleure. Un cheminement servi par une écriture élégante et forte.
Témoignages
Inaba Mayumi, dont l’œuvre a été couronnée par de prestigieux prix (dont le grand prix Tanizaki pour « la Péninsule aux 24 saisons », traduit en français, de même que « 20 ans avec mon chat », traduit l’année de sa mort en 2014) a retracé dans « la Valse sans fin » (6) la relation d’amour fou autant que de haine qui a réuni l’écrivaine sulfureuse Suzuki Izumi et le saxophoniste de free-jazz Abe Kaoru. Inconnues en France, ces deux figures de la pop culture composent une douloureuse partition d’anéantissement faite de drogue, d’alcool, de médicaments et de coups. Dans le livre (paru en 1992 au Japon), l’auteure donne la parole à Izumi en 1986, soit treize ans après leur rencontre, quand ils avaient 24 ans, et douze ans après la mort de Kaoru d’une overdose de barbituriques. Une danse avec la mort vraiment triste.
Grâce à l’émission « Thé ou café » qu’elle a présentée de 1996 à 2018, Catherine Ceylac a noué de nombreuses relations avec des personnalités de tous bords, qui l’ont conduite à publier « A la vie à la mort », sur la fin de l’existence. Forte du succès de ce recueil de témoignages, elle récidive avec un sujet plus glamour, « À l’amour, à la vie » (7), où elle a demandé à 14 femmes et hommes connus de raconter leur vie amoureuse. Leurs noms ? François Berléand, Sandrine Bonnaire, Louis Chedid, Thomas Dutronc, Flavie Flament, Philippe Geluck, Marianne James, Chantal Ladesou, Catherine Lara, Claude Lelouch, Marc Levy, Mimie Mathy, Helena Noguerra, Guy Savoy.
(1) Julliard, 260p., 19 €
(2) Actes Sud, 340 p., 22,50 €
(3) Robert Laffont, 281 p., 19 €
(4) Albin Michel, 327 p., 19,90 €
(5) JC Lattès, 237 p., 18 €
(6) Picquier, 135 p., 14 €
(7) Flammarion, 217 p., 19 €
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