IDEES - Prière insérée

Dieu respire et résiste

Publié le 06/05/2013
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SI CES LIEUX, et avec eux leur maître de céans, Dieu, n’attirent plus le chaland, selon l’auteur, c’est que les philosophes ont tué la foi. Une longue, patiente et cultivée dissertation nous explique l’assassinat du religieux par le rationnel. Voilà pourquoi notre au-delà est muet.

Tout commence dans le monde grec, dit Emmanuel Jaffelin, avec la destruction des mythes fondateurs par la froide Raison. Logos a tué Muthos. « Vingt-cinq siècles plus tard, la philosophie a fait son œuvre, Dieu s’est éteint, il a cessé de respirer. » C’est bien sûr le célèbre « Dieu est mort » de Nietzsche, auquel il faut ajouter les pensées du soupçon, la religion comme « opium du peuple » chez Marx, ou comme névrose collective, faisant rempart à une névrose individuelle, chez Freud.

On notera que l’auteur mêle inconsidérément la critique de l’institution religieuse et le rejet de la foi en Dieu. En tout cas, le mal est fait et, en résumé, « l’histoire de l’humanité pourrait se lire comme un effort constant pour venir à bout de Dieu ». Mais, bien sûr, le cadavre bouge encore. La preuve de l’omniprésence de Dieu, c’est… la persistance de la foi, d’un croyant qui marche et qui prie.

Il marche, tout marcheur répond à un appel, il est pèlerin qui ne se satisfait pas du marché, même si ce dernier est aussi un lieu de rencontre interhumain. Et, surtout, il prie. Étrange pratique, étrangère à notre monde marchand et dans laquelle on ne demande rien. Voire… Mais de la valeur de cet appel vers Dieu, l’auteur saute, là encore un peu vite, à la nécessité sociale de la religion.

Voilà comment le roué Jaffelin nous a roulés. Faire croire à un discours sceptique pour finalement nous servir une pétition de principe : la preuve que Dieu existe, c’est qu’on le cherche dans la prière. Ne devrait-il pas savoir que le propre de toute croyance, c’est qu’elle ne se fonde que sur elle-même, précisément quia absurdum, et que, comme disait William, qui croyait plus au bruit et à la fureur, « The rest is silence ».

Emmanuel Jaffelin, « On ira tous au paradis », Flammarion, « Antidote », 120 p., 8 euros.

ANDRÉ MASSE-STAMBERGER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9240