Quatre spectacles à Paris

Du drame au divertissement

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Publié le 02/03/2017
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Theatre-Un amour impossible

Theatre-Un amour impossible
Crédit photo : ELISABETH CARECCHIO

« Un amour impossible » (1) est à nos yeux l’un des plus beaux livres de Christine Angot. Publié il y a deux ans, il avait reçu le prix Décembre. Il vient de reparaître en poche (J'ai Lu) et l’on ne peut qu’en recommander la lecture, comme celle de la « Conférence à New York », dans laquelle l’écrivain expose la manière dont elle s’est interrogée pour composer ce livre-là, le livre de sa mère Rachel et de la petite fille qu’elle fut et comment elle s’est construite.

À la demande de Célie Pauthe, qui dirige le Centre dramatique national de Besançon, elle a adapté ce texte. Deux comédiennes exceptionnelles incarnent et Christine et Rachel. Maria de Medeiros, qui trouve les accents de l’enfance sans que l’on ait le sentiment de la composition, et Bulle Ogier, d’une pudeur et d’une douceur confondantes.

On n’est pas forcément séduit par la scénographie un peu ample, car ce qui importe, ce sont les mots et les maux qu’ils traduisent. L’adaptation est elliptique, intelligente, et l’émotion est profonde. Mais c’est, par-delà le destin de Christine Angot, une œuvre qui atteint aussi l’universel de l’amour d’une mère et d’une fille.

Nicolas Truong dirige deux merveilles d’acteurs dans « Interview » (2). Deux interprètes qu’il connaît bien et avec lesquels il a déjà travaillé, notamment sur des textes de philosophes contemporains. C’était un peu « coquet ». Là, c’est plus simple dans la forme, plus intéressant dans le fond.

Judith Henry et Nicolas Bouchaud, complices dans le jeu, complices de la salle, nous interrogent, à partir de témoignages de grands journalistes ou documentaristes, sur la question de « l’interview », les entretiens, les témoignages. Que transcrire et comment, comment faire parler un être pour qu’il dise le vrai ? C’est très aérien et profond, très jubilatoire.

À la recherche d'un écrivain

Frédéric Sonntag est un auteur et metteur en scène amoureux du romanesque. Très cultivé, il pourrait être un rejeton de Borgès et de Wenders. Il aime les liens, il tresse des fils. « Benjamin Walter » (3) parle d’un écrivain qui a disparu. « Frédéric » personnage se lance à sa recherche en traversant l’Europe. Le périple lui fait traverser pays, paysages et œuvres littéraires. Et bien sûr Walter Benjamin…

C’est passionnant comme un roman du Chilien Roberto Bolano, d’ailleurs cité. Manquent des ciseaux : le spectacle est beaucoup trop long, les scènes du groupe d’amis de Walter sont un peu trop complaisantes dans les citations et l’humour n’est pas au rendez-vous, sauf lorsque c’est Marc Berman qui joue. Reste un grand travail et une bande d’artistes à applaudir, et du théâtre comme un roman policier, haletant.

Changeons de régime avec Fellag, qui présente « Bled Runner » (4), sorte de florilège de ses meilleurs textes, mis en scène avec sûreté et esprit par Marianne Épin. Ce n’est pas un best of, c’est un spectacle tout neuf. Si l’on réentend des textes merveilleux, des souvenirs, de 1955 à son arrivée en France, on les redécouvre sous les moirures nées de leurs rapprochements et de l’actualité. « Vous avez raté votre colonisation, nous avons raté notre indépendance. On est quittes. » Reste l’amour fou que lui adresse la salle. On rit sans cesse et l’on réfléchit pourtant. Un très grand, Fellag.

 

 

(1) Ateliers Berthier de l’Odéon, jusqu’au 26 mars. Durée : 1 h 40. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu
(2) Rond-Point, jusqu’au 12 mars. Durée : 1 h 30. Tél. 01.44.95.98.21, www.theatredurondpoint.fr
(3) Théâtre de la Cité Universitaire, jusqu’au 7 mars. Durée : 3 h 20 (entracte compris). Tél. 01.43.13.50.50, www.theatredelacite.com
(4) Rond-Point, jusqu’au 9 avril. Durée : 1 h 30. Tél. 01.44.95.98.21, www.theatredurondpoint.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9560