Cinq spectacles à Paris

Du plus sérieux au plus désinvolte

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Publié le 06/10/2016
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Théâtre-Acting

Théâtre-Acting
Crédit photo : THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISIENS

Il faut toujours revoir les spectacles lorsqu’ils vont de l’extérieur aux dorures des théâtres à l’Italienne. « Les Damnés », d’après le film de Visconti, qui faisait l’ouverture du festival d’Avignon en juillet, dans une mise en scène d’Ivo van Hove, ne passe pas bien la rampe de la salle Richelieu (1). La troupe de la Comédie-Française n’est en rien en cause et les interprètes sont toujours excellents. Mais l’espace restreint, ce plateau orange qui prend une place trop grande, l’absence de dégagements, le renoncement à des éléments très importants, cassent le cérémonial imaginé par l’artiste belge.

La cour d’honneur du palais des Papes, le ciel étoilé, le vent, tout ce qui apportait un supplément épique et puissant n’est plus là. Le texte paraît faible, même si l’on distingue mieux l’inspiration shakespearienne de l’histoire de cette famille de grands industriels allemands alors que les nazis prennent le pouvoir. Reste un spectacle puissant et des comédiens magnifiques. Mais quelque chose s’est perdu.

Passons aux comédies. Il y en a de très bonnes. Ainsi « Tout ce que vous voulez », de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, une mise en scène fluide et sensible de Bernard Murat dans son théâtre Édouard-VII (2). Elle est écrivain. Un peu en panne. Bérénice Bejo, sensible et fine. Un nouveau voisin, intrusif, bavard, irrésistible Stéphane De Groodt. Il n’a pas été pilote de course pour rien. C’est lui qui conduit ici. C’est très drôle et très spirituel, léger. Il est très bon. On rit beaucoup, on est ému. On ne demande rien de plus !

Pour les comédiens

Plus déconcertante est la première pièce de Clément Gayet, qui, sous le titre « Moi, moi et François B. », entraîne François Berléand dans une bien curieuse aventure. Disons-le, sans les comédiens, on se désintéresserait totalement de cette histoire artificielle et pauvre. Face à Berléand, parfait dans l’angoisse, Sébastien Castro impose sa personnalité attachante. Constance Dollé, si douée, n’a pas grand-chose à faire. L’auteur s’est réservé une place dans la pièce. Un grand dadais qui a bien de la chance d’être joué au Montparnasse (3). Mais le public est largué.

Deux comédiens de grand tempérament se font face dans « Acting », de Xavier Durringer, aux Bouffes-Parisiens (4). On est dans une cellule de prison. Robert, Niels Arestrup, a été comédien. À sa demande, il va former Gepetto, Kad Merad. Dans l’enfermement et la promiscuité, l’artiste qui a tué se prend de passion pour ce travail étrange. Mystérieux, colérique, autoritaire, Arestrup est inquiétant. Kad Merad s’amuse quand il faut, mais joue aussi le sérieux. C’est mis en scène avec fermeté par l’auteur. Une bonne soirée d’acteurs.

Plus délicate, plus rare est la proposition de Marc Paquien, qui met en scène à la Tempête (5) un très beau texte de l’Italien Giovanni Macchia, « le Silence de Molière ». Cette conversation d’un jeune homme (Loïc Mobihan, très fin) et de la fille de Molière a souvent été représentée. On entend la voix de Michel Bouquet et des textes puissants. Mais c’est l’interprétation profonde et si humaine d’Ariane Ascaride qui donne toute sa force à ce moment magique et émouvant.

(1) En alternance jusqu’en janvier. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr
(2) Jusqu’à la fin de l’année au moins. Tél. 01.47.42.59.92, www.theatreedouard7.com 
(3) Jusqu’à la fin de l’année. Tél. 01.43.22.77.74, theatremontparnasse.com
(4) Jusqu’à la fin de l’année. Tél. 01.42.96.92.42, bouffesparisiens.com
(5) Jusqu’au 16 octobre. Tél. 01.43.28.36.36, www.la-tempete.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9523