Sur les planches, « Vania », « Edmond », « 2666 »

Écritures d’hier et d’aujourd’hui

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Publié le 29/09/2016
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Théâtre-Edmond

Théâtre-Edmond
Crédit photo : ALEJANDRO GUERRERO

Au Vieux-Colombier (1), Julie Deliquet, fondatrice d’un collectif, dirige les Comédiens-Français dans une adaptation du chef-d’œuvre de Tchekhov. « Vania », d’après « Oncle Vania ». Elle a fait transformer la salle en un espace bifrontal et installé au milieu une longue table. On craint un peu la redite, car elle a souvent utilisé ce dispositif. On s’agace, au début, de références anachroniques (Omar Sharif, par exemple). On est dans notre époque, puisqu’à un moment la maisonnée regarde un film avec un vidéoprojecteur (« Vampyr », de Carl Dreyer) et que la cafetière électrique fait son petit bruit. Il y a des improvisations et des parties fixées. Tchekhov est plus fort et la version est fidèle.

Les interprètes sont tous excellents, très engagés, expressifs, ils ne craignent pas l’émotivité, du rire et des disputes aux larmes. Dans le rôle-titre, Laurent Stocker est bouleversant, comme Anna Cervinka, la nièce Sonia. Stéphane Varupenne, est un Astrov solaire et blessé, digne, remarquable. Hervé Pierre, le professeur Serebriakov, est parfait dans l’emportement, l’égoïsme, l’aveuglement. Elena, sa deuxième épouse a la grâce de Florence Viala. Dominique Blanc ne craint pas de jouer la grand-mère, tandis que Noam Morgensztern est un Tielieguine convaincant.

Au Théâtre du Palais-Royal (2), Alexis Michalik, auteur du « Porteur d’histoire » et du « Cercle des illusionnistes », deux très bonnes pièces, dirige un groupe de comédiens à fortes personnalités dans son nouvel opus, « Edmond ». Il nous raconte l’histoire vraie de la création triomphale de « Cyrano de Bergerac » en 1897. Du théâtre de troupe, du théâtre dans le théâtre. C’est drôle, chaleureux, instructif, émouvant, plein d’esprit. Du grand théâtre populaire, accessible, qui plaira à tous et qui divertit et enchante.

Un spectacle fleuve

Aux Ateliers Berthier (3), on a revu « 2666 », l’adaptation du roman posthume du Chilien Roberto Bolano, qui, après la création à Valenciennes, a triomphé au dernier festival d’Avignon. Revoir le spectacle fleuve, 11 heures, entractes compris, en intégrale, confirme la force du metteur en scène Julien Gosselin, qui avait enthousiasmé critique et public avec son adaptation des « Particules élémentaires » de Michel Houellebecq. Encore un travail de troupe, avec un groupe de jeunes comédiens renforcé de la présence de Frédéric Leidgens. Musique en direct, vidéo donnent une ampleur opératique au spectacle qui est vraiment très intéressant.

L’histoire des quatre universitaires, trois hommes et une femme, passionnés par un mystérieux écrivain, fait voyager d’Europe au Mexique, de nos jours aux années terribles du nazisme. Il y a de la passion, de l’amour pour les êtres et pour le savoir, des moments très éprouvants – notamment dans la quatrième partie, celle des femmes violées, assassinées de Santa-Teresa (Ciudad Juarez). Il y a de l’humour, de l’esprit, du suspense et une virtuosité théâtrale qui mérite ce voyage !

(1) Jusqu’au 6 novembre. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr
(2) Tél. 01.42.97.40.00, www.theatrepalaisroyal.com
(3) Jusqu’au 16 octobre. En deux soirs en semaine, en intégrale le week-end. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu. Une tournée suit, à Toulouse, Brest, Grenoble, Strasbourg, Mulhouse, Amsterdam

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9521