SI ARONOFSKY a imaginé les prémices de son récit il y a déjà quinze ans – il s’est servi d’un scénario d’ Andrés Heinz et a développé le projet avec Mark Heyman –, il a conçu « Black Swan » comme le pendant de son dernier film, « The Wrestler », l’histoire du catcheur joué par Mickey Rourke ressemblant beaucoup à celle de la ballerine incarnée par Natalie Portman. « Ce sont tous les deux, dit-il, des artistes qui utilisent leur corps pour s’exprimer, et qui redoutent de se blesser parce que ce corps est leur seul moyen d’expression. » Sans compter le défi physique que représentait pour chacun le rôle.
Nina, danseuse du prestigieux New York City Ballet, est choisie par le tyrannique directeur artistique (Vincent Cassel) pour la nouvelle production du « Lac des cygnes ». Mais Nina la refoulée, qui a tout sacrifié à la danse sous la houlette d’une mère abusive (Barbara Hershey), a l’innocence du cygne blanc mais pas la sensualité et la noirceur du cygne noir. Devant faire face à cette nécessaire transformation et à la rivalité d’une nouvelle venue (Mila Kunis), elle ne sait plus qui elle est.
Mêlant habilement l’intrigue du « Lac des cygnes » et l’évolution de la danseuse, Aronofsky signe un thriller psychologique qui flirte dangereusement avec l’horreur jusqu’à risquer le ridicule et même par instants y sombrer. Il va trop loin, sa psychologie psychanalysante est un peu sommaire et pourtant on ne peut s’empêcher d’admirer sa mise en scène qui joue avec un incontestable talent visuel des fantasmes sexuels, des visages déformés, des miroirs brisés, du blanc, du rouge sang et du noir, très noir.
Natalie Portman aura sans doute un oscar, récompense de mois d’effort pour se forger un corps et des gestes de danseuse et des blessures que lui inflige le réalisateur. Et même si l’on n’est pas convaincu par le récit, on n’oubliera pas de sitôt la mort de ce cygne.
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