Deux livres sur le Troisième Reich

Encore la bête immonde

Publié le 19/09/2016
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Idées-L'extase totale

Idées-L'extase totale

Idées-Si je survis

Idées-Si je survis

Né en 1886, l'Autrichien Moriz Scheyer, qui appartient à la moyenne bourgeoisie juive, est directeur des pages culturelles d'un quotidien national, le « Neues Wiener Tagblatt ». Il assiste à l'explosion de l'Anschluss, le 2 mars 1938. Très vite, et dans l'indifférence absolue des autres nations, des voyous du parti nazi molestent des juifs dans les rues de Vienne et chantent « Crève Youpin » ou « Quand le couteau fait jaillir le sang juif ».

Dans la patrie de Malher, Zweig et Schnitzler, des centaines de juifs préfèrent se suicider. Moriz Scheyer fuit vers la France et y découvre la « drôle de guerre » et son cortège de vulgarité, de dépravation caractéristiques de la Collaboration.

Son récit, « Si je survis » (1), dit crûment la hargne effroyable des nazis, l'abjection de ceux qui vivent en dénonçant des juifs, mais aussi la lumière au fond d'un petit village de Dordogne, où Moriz Scheyer est accueilli et protégé par la famille Rispal (oui, lecteur cinéphile, c'est bien celle de Jacques, le futur comédien).

Ce texte, retrouvé tardivement, a pu sembler brutal, coupant et même… germanophobe. Il exige simplement qu'on comprenne ce que sous-entend la question qui le parcourt, « Comment tout cela fut-il possible ? »

Pilules et injections

Il semblerait qu'on ait épuisé toutes les théories sur les éléments clefs du national-socialisme. Or le livre du journaliste allemand Norman Ohler, « l'Extase totale », nous convainc du contraire. Il y démontre la grande importance de la toxicomanie qui a touché la Wehrmacht lors de la deuxième guerre mondiale. Mais qui a atteint aussi la tête…

Ce livre aussi diabolique que passionnant permet de faire la connaissance du Pr Otto F. Ranke, organisateur de la « physiologie militaire ». Obsédé par le fait que les soldats se fatiguent vite, il met au point une « Blitzkrieg méthamphétamine », avec la Pervitine, dont les soldats raffolent. Il est vrai qu'il faut un peu d'énergie pour envahir la Pologne… Mais le savant est dépassé par son succès. Les troupes hypergalvanisées en oublient de dormir et trouvent un surcroît d'énergie pour les massacres.

Encore plus effrayant est le Dr Morell, qui fait abattre des milliers d'animaux pour en utiliser les stéroïdes, qui seront injectés, bien sûr aux armées, mais aussi au patient très particulier du praticien, un certain « A ». Tonifié dans les discours du début, l'illustre malade, vieilli, aux abois, lorsque se précise la défaite, est maintenu à la fin par des injections répétées. Saluons ce titre de chapitre excellent, « High Hitler », et ce livre dont on sort comme du plus noir Fritz Lang.

(1) Flammarion, 360 p., 23,90 €
(2) La Découverte, 250 p., 21 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9518