Tout comme le philosophe existentialiste, Delphine Horvilleur considère que c'est le bourreau qui fait problème, non la victime. Mais si elle reprend à sa façon le célèbre « Aux États-Unis, il n'y a pas de problème noir mais un problème blanc », son parcours reflète des chocs extrêmement personnels.
« L'antisémitisme hantait mon histoire familiale, mais j'ai longtemps pensé que ma génération en serait protégée », explique-t-elle dans un entretien à « Libération » (le 9 janvier dernier). Elle exprime sa stupeur lors de la profanation du cimetière de Carpentras en 1990, acte suivi heureusement d'une immense manifestation de soutien. Mais comment est-il possible que l'assassinat d'enfants dans une école n'ait déclenché aucune réaction collective ?
Une haine première ?
Le livre de Delphine Horvilleur nous entraîne très vite dans la protohistoire juive. Surprise, il n'est pas vraiment question des juifs, mais bien sûr des Hébreux, d'Abraham et de son trajet d'Ur à Canaan, c'est-à-dire son arrachement à la terre natale. On y découvre la racine hébraïque du mot juif, « Yehoudi », qui renvoie à la tribu de Juda.
Se met alors en place, sous forme de roman policier, l'enquête décisive : qui a vraiment initié la haine des juifs ? Il faut traverser nombre de peuples, revenir dans l'empire perse sous le règne d'Assuérus, retrouver le « Livre d'Esther », avoir une pensée pour la tragédie de Racine. Et découvrir le bourreau initial, Amalek, qui, après la sortie d'Égypte, attaque sadiquement les Hébreux.
Demeure la question « Pourquoi ? ». On reste un peu sur sa faim à l'idée d'une haine première, cause absolue ne découlant elle-même de rien, mais on n'est pas très loin de la « passion » mise en place chez Sartre.
Un chapitre assez savoureux concerne l'idée d'élection. Elle est souvent le combustible alimentant la colère de l'antisémite. Du genre « Mais pour qui ils se prennent ceux-là, en affirmant que Dieu les a élus »… Delphine Horvilleur montre que ce sont surtout « les autres » qui s'accrochent à ce thème, car « la notion d'élection juive sert à nourrir le fantasme d'un juif arrogant et sûr de sa puissance ». Et puisque les juifs sont, paraît-il, maîtres en humour, on appréciera ce mot de Tristan Bernard en 1942 : « J'appartiens à ce peuple qu'on a souvent appelé élu… Élu, enfin, disons : en ballottage. »
Une réflexion passionnante, qui, hélas, ne mord pas sur la sinistre réalité, celle d'un pays où les actes antisémites viennent d'augmenter de 74 %.
Delphine Horvilleur, « Réflexions sur la question antisémite », Grasset, 162 p., 16 €
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