À la Comédie-Française, ces temps-ci, La mode est au short, au slip et à la petite culotte. Hasard des imaginations étranges des scénographes-costumiers choisis par deux metteurs en scène qui n’ont rien à voir… D’un côté, Katrijn Baeten et Saskia Louwaard pour « l’Heureux Stratagème » ; de l'autre Nina Wetzel pour « la Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez ».
Les deux spectacles mettent en lumière la haute qualité de la troupe. « L’Heureux Stratagème » s’appuie sur la grande liberté prêtée à la Comtesse, Claire de la Rüe du Can, tout en finesse. Elle estime que la fidélité est une règle sociale hypocrite. Elle a quitté Dorante, Jérôme Pouly, sobre et profond, pour le Chevalier, Laurent Lafitte, qui dessine un personnage à accent, très drôle. La Marquise, Julie Sicard, aiguë et vive, propose alors à Dorante un stratagème qui rendra fous de jalousie leurs amis. Un jeu en miroir se dessine du côté des valets, Arlequin, Loïc Corbery, extraordinaire, Frontin, Eric Génovèse, mystérieux, Lisette, Jennifer Decker, idéale. Le père de cette dernière, Blaise, Nicolas Lormeau, très humain et touchant, ne l’entend pas ainsi !
On n’est pas obligé d’être convaincu par le dispositif bifrontal et par les costumes. Mais qu’importe, on est grisé par le rythme imprimé par Emmanuel Daumas, sa direction d’acteurs, l’interprétation éblouissante de chacun. On n’en finirait pas d’accumuler les superlatifs…
De l'audace
Même sentiment salle Richelieu avec « la Nuit des rois ». Quelle troupe exceptionnelle et quelle audace ! Galvanisé par l’intelligence de Thomas Ostermeier, chacun donne le meilleur de lui-même et se surpasse dans l’émotion ou l’invention farcesque.
Après un naufrage, Viola, Georgia Scalliet, se trouve jetée en Illyrie. Elle a perdu son frère jumeau, Sébastien, Julien Frison. Dans les habits d’un homme, elle entre au service du duc Orsino, Denis Podalydès, qui se consume d’amour pour Olivia, Adeline d’Hermy. Ce qui devait arriver arrive, Olivia tombe amoureuse de ce jeune garçon séduisant…
La scénographie, sable et palmier pâles, singes familiers, s’invite jusque dans la salle par une passerelle étroite jetée au milieu de l’orchestre et sur laquelle vont et viennent les personnages. Le music-hall, l’art du chansonnier explose en scènes improvisées, avec allusions à l’actualité, où excellent Laurent Stocker, Sir Toby, et ses amis.
Stéphane Varupenne est un fou délicieux et musicien, qui accompagne parfois le joueur de théorbe et le haute-contre qui nous font entendre Monteverdi, Vivaldi, Cavalli… Christophe Montenez, méconnaissable sous sa longue perruque filasse, se déchaîne. Yoann Gasiorowski, qui est le capitaine et Curio, est parfait, comme Antonio, Noam Morgensztern.
Dupe des cruautés des bouffons avivées par l’espièglerie de Maria, Anna Cervinka, Malvolio, Sébastien Pouderoux, est traité ici avec une particulière violence, sans que l’on comprenne exactement pourquoi. La traduction d’Olivier Cadiot est tranchante, la mise en scène de Thomas Ostermeier aiguë et incisive. Que de talents réunis !
Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr
– « L'Heureux Stratagème », Vieux-Colombier, jusqu’au 4 novembre.
– « La Nuit des rois », jusqu’au 28 février, salle Richelieu (retransmission en direct le 14 février 2019 dans plus de 200 salles de cinéma).
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