LIVRES - (À) propos d’écrivains, cinéastes, philosophes...

Fantaisies littéraires et autres récits

Publié le 10/04/2012
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* La douleur d’un survivant

Rithy Panh est né au Cambodge, il est un survivant du régime des Khmers rouges et il est devenu un cinéaste renommé. Il revient encore et toujours sur le génocide qui a conduit à l’extermination de 1,7 million d’individus entre 1975 et 1979, parmi lesquels toute sa famille lorsqu’il avait 13 ans. Après deux films terrifiants, « S21 – La machine de mort khmère rouge », qui décortiquait le fonctionnement du génocide, et « Duch, le maître des forges de l’enfer », dans lequel le cinéaste laissait s’exprimer le bourreau qui a dirigé la prison de Tuol Sleng, près de Phnom Penh, où près de 14 000 détenus ont trouvé la mort, « l’Élimination » (1) donne à entendre, au-delà de l’horreur, les mots de douleur de Rithy Panh. Le récit, retranscrit avec Christophe Bataille, est à la fois descriptif et méditatif, documentaire et littéraire, terrible et poignant. Un témoignage nécessaire.

* Les pérégrinations de Schopenhauer

Changement de ton avec Christoph Poschenrieder, Américain installé à Munich, auteur de films documentaires et journaliste, après une formation de philosophie et de théologie. « Le monde est dans la tête » (2) est un roman drôlement intelligent, qui raconte les pérégrinations d’Arthur Schopenhauer d’Allemagne à Venise alors que, furieux de ne pouvoir publier son premier traité, « le Monde comme volonté et représentation », il s’est mis en tête d’y rencontrer le poète Lord Byron. Il rencontre en chemin un étudiant qui partage la même passion pour la philosophie indienne et l’opium, se heurte dans la Sérénissime aux délires paranoïaques de la police autrichienne, rencontre l’extravagant poète avec sa ménagerie exotique et sa maîtresse la Fornarina, découvre auprès de Teresa le « vouloir-vivre » et la sensualité. Un récit presque historique où Schopenhauer voit le monde d’une autre manière !

* Les amours de Virginia Woolf

Il est des livres qui méritent une nouvelle vie. Ainsi de « Virginia et Vita » (3), de Christine Orban, dont la première édition est parue en 1990 sous le titre « Une année amoureuse de Virginia Woolf » et sous le nom de Christine Duhon. Cette nouvelle édition, intégralement revue par l’auteur (de best-sellers comme « Petites phrases pour traverser la vie en cas de tempête... et par beau temps aussi » ou « N’oublie pas d’être heureuse »), a pour sujet la passion qui a réuni, en 1927, Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Les deux romancières sont mariées mais, tandis que la première mène une existence bohème, la seconde est une aristocrate entourée de faste. Si la passion et la jalousie sont au cœur du récit, Christine Orban montre avec subtilité comment les écrivains se nourrissent de leurs amours pour créer.

* Paul Morand en campagne

Mi-figue, mi-raison, « Immortel, enfin » (4), le premier roman de Pauline Dreyfus après une biographie, « Robert Badinter, l’épreuve de la justice », raconte un épisode peu glorieux de la vie de Paul Morand, sa cinquième candidature à l’Académie française. Une bataille engagée de longue date, dès 1936, qui a échoué en 1957 après des manœuvres de François Mauriac et qui a été rejetée en 1958 à la demande du général de Gaulle, qui lui reprochait sa collaboration avec le régime de Vichy. Il est élu dix ans plus tard, à l’âge de 80 ans. Au récit de cette dernière campagne où l’on croise, dans son fameux salon du Champ-de-Mars, des jeunes auteurs qui deviendront célèbres, se mêlent des flash-back ressuscitant des épisodes marquants de la vie de Paul Morand, de sa rencontre avec sa femme, la princesse Soutzo, à son amitié avec Marcel Proust.

* Andy Warhol, je est un autre.

Critique d’art et auteur de plusieurs biographies, dont celle de Warhol, Michel Nuridsany signe un roman intitulé « Andy Andy » (5). Une fiction autour de la vie d’Andy Warhol et de sa cour, où, comme en peinture, le faux côtoie le vrai. L’auteur a imaginé qu’un jeune et excellent faussaire devenu riche marchand se substitue à Andy Warhol. Et cela à la demande de l’artiste pop, qui « rêve de peindre des paysages » et « devenir qui je suis vraiment ». C’est comme cela qu’en 1968, le faussaire devient lui-même un faux. Le lecteur entre ainsi par une porte dérobée dans le monde de l’art et ses artifices tandis que l’auteur décrypte le marché de l’art et nous fait marcher en compagnie de dupes qui ne le sont pas.

* Mitchum et Kennedy

Comme son titre le laisse entendre, « Rhapsodie pour une dent creuse » (6) a des relents de série noire et de loufoquerie. Il s’agit du premier roman, très étudié, d’un jeune auteur de 27 ans, Régis Delicata, qui a campé un héros improbable, dont le métier est de trouver par tous les moyens des pièces introuvables pour des collectionneurs impénitents. Le fragment manquant est en l’occurrence le dentier de Robert Mitchum, qu’il parvient à dérober dans un cimetière à Hollywood, pour apprendre que c’est un faux puisqu’il manque la dent creuse où était caché le microfilm identifiant l’assassin de Kennedy. L’intrigue est originale mais quelque peu noyée dans une série de digressions dans lesquelles l’auteur aligne des références littéraires et cinématographiques (avec même, en bonus, des « scènes coupées » par l’éditeur !) qui réjouiront peut-être certains amateurs.

(1) Grasset, 333 p., 19 euros.

(2) Flammarion, 317 p., 21 euros.

(3) Albin Michel, 233 p., 17 euros.

(4) Grasset, 229 p., 17 euros.

(5)Flammarion, 235 p., 18 euros.

(6) Grasset, 350p., 19 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9112