Le Ballet de l'Opéra de Lyon en tournée

Grande fugue à trois

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Publié le 28/11/2016
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DANSE-GRANDE FUGUE

DANSE-GRANDE FUGUE
Crédit photo : STOFLETH

Il est exceptionnel et passionnant de pouvoir assister au cours d'un spectacle à trois chorégraphies différentes réglées sur une même musique. Et quelle musique ! La « Grande Fugue » opus 133 de Ludwig van Beethoven, final du treizième quatuor, une des pièces tardives les plus complexes et modernes de sa production chambriste. Pour cette confrontation singulière, Yorgos Loukos, directeur du Ballet de l'Opéra de Lyon (BOL), a choisi trois femmes chorégraphes parmi les plus douées de leurs générations, l'Américaine Lucinda Childs, dont la pièce est une création pour cette compagnie, la Belge Anne Teresa De Keersmaeker et la Française Maguy Marin, dont les pièces sont au répertoire du BOL depuis 2006.

Profitant de la présence à Lyon de Lucinda Childs pour la re-création de « Danse », Loukos lui a commandé cette « Grande Fugue », que l'Américaine a choisi de régler sur une version orchestrée de la partition. Childs a cherché à dégager les grandes lignes de cette musique et opté pour une chorégraphie néoclassique, très naturelle, géométrique. Elle n'est pas sans évoquer Balanchine, avec six couples qui évoluent dans une belle symétrie en figures très élégantes et répétitives, avec des variations dans toutes les configurations de nombres possibles. C'est un grand et passionnant paradoxe dans la production de cette chorégraphe de la mouvance postmoderne, dont les compositeurs de prédilection sont Philip Glass et John Adams. Des trois chorégraphies, c'est celle qui reste le plus en phase avec l'écriture beethovenienne.

Sauts et ruptures

À sa création à Bruxelles en 1992 par la compagnie Rosas, « Die Grosse Fugue » faisait partie d'un ensemble plus vaste nommé « Erts ». Anne Teresa De Keersmaeker lui a donné plusieurs avatars au fil des reprises et c'est la variante pour huit interprètes, sept hommes et une femme, qui figure au répertoire du BOL.

La version pour quatuor à cordes choisie tranche d'emblée avec la pièce précédente, malgré la coupure de l'entracte, qui, le spectacle durant trois fois vingt minutes, aurait pu être sacrifié à la tension dramatique du projet. La chorégraphie en noir et blanc est tendue, théâtrale. Bien que l'on reste dans l'abstraction, on a l'impression que les danseurs cherchent à exprimer des idées sur l'écriture musicale. Le vocabulaire chorégraphique est beaucoup plus sportif, avec ses courses, vrilles, sauts, chutes et ruptures très typiques du style de la chorégraphe. Des trois pièces, c'est certainement la plus spectaculaire et captivante.

Réglée pour quatre danseuses, « Grosse Fugue », de Maguy Marin, fut créée à Meyzieu en 2001. La manière de la chorégraphe, avec une approche très intellectuelle et torturée, éclate dès les premières mesures. Quand les danseuses vêtues de rouge sur un fond noir se lancent comme des électrons libres dans une danse bouillonnante et passionnée, jamais déphasée par rapport aux lignes musicales mais toujours un peu au-delà de leur charge émotionnelle, une bourrasque envahit la scène, comme une course à l'abîme.

Il ne faut pas manquer ce superbe triptyque, qui sera présenté par le Festival d'Automne en région parisienne dans le cadre du portrait-rétrospective Lucinda Childs, puis lors d'une tournée.

– Maison des Arts de Créteil du 29 novembre au 3 décembre. Théâtre du Beauvaisis Beauvais-Compiègne le 6 décembre. L'Apostrophe à Cergy-Pontoise du 8 au 9 décembre. Théâtre-Sénart le 13 décembre. Nanterre-Amandiers du 15 au 17 décembre.(www.festival-automne.com
– MC2 Grenoble du 4 au 6 janvier. Valence le 6 février. Opéra de Rouen les 9 et 10 février. Opéra de Lille du 25 au 27 avril.  

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9538