Sous le joli titre de « Naissance d'un père » (1), Laurent Bénégui, qui s'est fait un nom dans le registre de la comédie (« le Jour où j'ai voté Jacques Chirac », « SMS », « Mon pire ennemi est sous mon chapeau ») explore dans son dixième roman la nature du sentiment paternel sans rien perdre de sa veine romanesque. C'est l'histoire d'un couple amoureux, de Louise qui attend un enfant et de Romain qui espère que la paternité va lui pousser en même temps que s'arrondit le ventre de la future maman. En vain. Or le jour de l'accouchement, il doit assister non seulement sa femme mais aussi l'autre occupante de la chambre, délaissée par son mari. Les deux bébés viennent au monde, l'un en parfaite santé et l'autre avec une lourde malformation cardiaque. Romain est à la croisée des chemins, mais le chemin qu'il doit parcourir est intérieur, car il comprend que pour accepter son enfant, il n'a d'autre solution que de s'accepter lui-même.
Mi-récit, mi-fiction, « les Jours areuh » (2) est inspiré du propre vécu de François d'Épenoux (« Deux jours à tuer », « les Papas du dimanche »). L'auteur, âgé de 51 ans, est le père de trois grands enfants et d'un petit garçon de 3 ans. Dans l'histoire, un homme de 50 ans donne le biberon à son bébé de 3 mois. C'est le milieu de la nuit, l'heure est propice pour s'interroger sur cette paternité tardive : pour lui une vie désormais balisée, le renoncement aux voyages, à l'imprévu, à l'aventure ; pour l'enfant la perspective d'un papa âgé et surtout d'être lancé dans le bain d'un monde angoissant, de plus en plus violent et pollué. Beaucoup d'enjeux et de questionnements, dominés par le bonheur d'être père.
La douleur d'un père quand son enfant meurt, est presque indicible. C'est peut-être pour cela que Didier Pourquery, qui a dirigé plusieurs titres de presse, a attendu sept ans avant d'évoquer la disparition de sa fille dans « l’Été d'Agathe » (3). Elle n'avait que 23 ans, mais la mucoviscidose, et le Burkholderia gladioli, l'avaient condamnée à ne pas vivre longtemps, malgré deux greffes de poumon. En se replongeant dans ses notes, en regardant les photos d'hier, Didier Pourquery nous dit comment cette enfant puis cette jeune femme courageuse et joyeuse a vécu, jusqu'à son dernier été sur l'île d'Oléron, qu'elle chérissait par-dessus tout, savourant la vie par tous les bouts qui lui étaient permis. Un beau récit empli d'une tendresse partagée qui rejaillit sur le lecteur.
Haines et domination
Pascale Kramer excelle à dire les humeurs, et aujourd'hui l'ébranlement, de notre société au travers des expériences intimes de ses personnages. Dans « Autopsie d'un père » (4), une femme rend visite à son père qu'elle ne voyait plus depuis plusieurs années. Elle apprend par hasard que celui-ci, un journaliste de renom, a été mis à pied et au ban de la société pour avoir pris la défense de deux jeunes banlieusards qui ont massacré un immigré comorien. Quelques jours après il se suicide. Pourquoi cet intellectuel « de gauche » a-t-il viré « réac » ? Le père et la fille – qui s'est toujours sentie dominée et diminuée par cet homme brillant et sarcastique, au point de s'en éloigner – sont en quelque sorte les révélateurs du basculement et du repli sur soi d'un pays où couvent trop d'incompréhensions et de haines.
Les lecteurs qui suivent la revue de presse de « Télématin » de Frédéric Vion le connaîtront mieux grâce à son premier roman, autobiographique, intitulé « Comment j'ai tué mon père » (5), dans lequel il retrace son enfance auprès d'un père tyrannique, avec en toile de fond une région et une époque où tout s'écroule, la Lorraine dans les années 1980. Ce père, un policier amateur d'armes à feu, tient sous sa coupe son épouse, professeure de français, il l'humilie et la bat ; il est aussi violent avec ses deux fils, qui vivent avec un sentiment permanent de terreur sous-jacente. Le plus jeune en conserve un handicap. L'auteur s'en est sorti grâce aux études. Sa confession est toute de pudeur et de sincérité, entre colère et nostalgie et même un grain d'humour.
Denis Parent a fait de la Corse son pays d'adoption et il vit sur les hauteurs d'Ajaccio, face aux îles Sanguinaires. « Sanguinaires » (6) est le titre de son quatrième roman (après « Grand chasseur blanc »), à cause des îles peut-être, mais aussi parce qu'il est placé sous le signe du sang. Trois voix se font entendre : celle d'Hugo, un musicien professionnel, celle de son fils Sébastien et celle de son petit-fils Vittoriu, un enfant solaire. Un matin, Sébastien, ancien taulard et ancien toxico, est abattu par des tueurs en moto. Renonçant à se venger, Hugo s'enfuit avec Vittoriu sur le continent, à la recherche de sa mère mais aussi pour mettre un terme à la malédiction familiale. Sans savoir qu'ils sont poursuivis par un tueur à gages.
Après l'énorme succès de son premier roman « Un visage d'ange », l’Écossaise Lisa Ballantyne donne avec « le Piège de la mémoire » (7) un suspense psychologique subtil, la douloureuse histoire d'un père à la recherche de sa fille et une impossible quête de rédemption. Le récit oscille entre le Londres d'aujourd'hui, quand Margaret est arrachée de sa voiture en flamme par une sorte de géant au visage brûlé, et l’Écosse d'il y a trente ans, quand Glasgow était l'empire des gangs. Se sentant intimement liée à l'inconnu qui l'a sauvée, Margaret n'a de cesse de fouiller sa mémoire pour découvrir l'identité de cet homme. Au risque de réveiller de douloureux traumatismes.
(1) Julliard, 225 p., 18 €.
(2) Anne Carrière, 134 p., 15 €.
(3) Grasset, 193 p., 17 €.
(4) Flammarion, 173 p., 17 €.
(5) Flammarion, 179 p., 18 €.
(6) Robert Laffont, 359 p., 21 €.
(7) Belfond, 426 p., 21 €.
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